Critique – Les moissons funèbres – Jesmyn Ward – Globe

Critique – Les moissons funèbres – Jesmyn Ward – Globe


J’ai du mal à croire que l’auteure du magnifique « Bois sauvage », National Book Award en 2011, et celle des « Moissons funèbres » soient la même personne.

« Entre 2000 et 2004, cinq jeunes hommes noirs avec lesquels j’avais grandi sont morts de mort violente… » peut-on lire dans le prologue de ce récit autobiographique qui se déroule dans le Deep South américain. Née prématurée en 1977 d’une mère âgé de 18 ans qui perd très vite ses illusions et d’un père volage à peine plus vieux et « épris pour toujours de la promesse d’un ailleurs », Jesmyn est l’aînée d’une nombreuse fratrie.

Malgré leurs origines africaines, françaises, espagnoles, indiennes et leurs couleurs de peau plus ou moins foncées, les membres de sa famille sont considérés comme Noirs c’est-à-dire comme la lie de la société aux Etats-Unis condamnés à la misère, à la drogue et à la délinquance.

Obama est lui aussi considéré comme un Noir alors que sa mère est blanche ! Et, justement, celui qui remporta l’élection suprême est la preuve que, même si les Noirs sont évidemment davantage stigmatisés, « quand on veut on peut ».

Ce qui m’a gênée dans ce livre, c’est cette sempiternelle position de victime. S’interroger sur le statut inférieur que la société a assigné aux Noirs ne doit pas les empêcher d’aller au-delà du ressentiment pour avancer. C’est par ailleurs ce qu’a fait l’auteure en s’extrayant de son milieu d’origine grâce à des études (financées par la famille blanche pour laquelle sa mère travaillait) et c’est la raison pour laquelle j’ai du mal à comprendre sa posture. Sauf à dresser un tombeau littéraire à ses frères disparus.

La plupart des bons écrivains sont, si ce n’est malheureux, souvent marqués par la vie. Leurs douleurs constitueraient le matériau essentiel à la création de leurs œuvres. Jesmyn Ward l’a confirmé dans son premier roman publié en France. Et c’est parce qu’elle a « hérité de tout ce bordel », qu’elle a su créer des personnages de fiction superbes. Dommage que son talent n’ait pas été totalement mis au service de son autobiographie qui oscille entre portraits affectueux des siens, surtout de sa mère à laquelle elle rend un hommage émouvant, et analyse de la situation des Noirs.

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