Critique – Trust – Hernan Diaz – L’Olivier

Critique – Trust – Hernan Diaz – L’Olivier


Auréolé du Prix Pulitzer de la fiction 2023, le second roman d’Hernan Diaz détonne par rapport à son premier, « Au loin », sorte de western à rebours dans une nature à la fois sublime et hostile.

Dans « Trust » l’auteur déconstruit l’un des mythes fondateurs des États-Unis, à savoir l’argent, tout en nous plongeant dans l’intimité d’un couple.

La première partie est signée Harold Vanner. Dans un style désuet, elle nous raconte l’enrichissement d’un certain Benjamin Rask, héritier d’un des plus importants négociants en café de la côte est.

Enfant intelligent et solitaire, Benjamin deviendra un adulte peu sociable et doué pour faire fructifier le capital transmis par son père au moyen d’investissements judicieux sur les marchés financiers. Alors que la crise de 1929 ruina des millions d’Américains, il prospéra davantage. Sa réussite fut telle qu’on le soupçonna d’avoir orchestré le krach.

Au mitan de sa vie, songeant qu’il devait se marier, il trouva en Helen Breevort la femme idéale en apparence. Dotée d’une généalogie impeccable, celle-ci voit en son promis un être seul auprès duquel sa propre solitude pourrait s’épanouir ainsi que son besoin de liberté refusé jusqu’alors par ses parents.

Fragile psychologiquement, elle se consacre à des activités philanthropiques en faveur des artistes. Mais la cause qui lui tient encore le plus à cœur est la recherche sur les maladies mentales. Comme un hommage à son père qui fut interné dans un hôpital psychiatrique.

La seconde partie, partiellement achevée, se déroule à la même époque, dans les mêmes lieux et le même milieu privilégié. Andrew Bevel et Mildred y évoluent en toute harmonie. On apprend qu’il s’agit des vrais époux qui auraient inspiré le récit d’Harold Vanner. Sauf que ce dernier en avait fait un tableau peu flatteur.

Pour redorer le blason de sa femme, et surtout le sien, Andrew Bevel a en effet confié à une certaine Ida Partenza la rédaction de ce qui serait le récit authentique de son parcours qu’il choisit d’appeler sobrement « Ma vie » (la seconde partie. Vous suivez ?). En écrivant, d’après les confessions d’Andrew, une autobiographie à la gloire de celui-ci, la jeune femme sent que quelque chose cloche. En digne fille de son père, un émigré anarchiste d’origine italienne, elle peine à accepter le mantra du milliardaire qui affirme que l’enrichissement d’une minorité sert l’intérêt général. Autre doute qui l’assaille : le portrait qu’Andrew fait de Mildred est bien trop condescendant pour refléter la réalité. Où se situe la vérité ? Est-elle seulement pénétrable ?

En proposant une variation sur un couple, Hernan Diaz nous offre un second roman captivant et vertigineux. Dommage que la fin soit un peu décevante.

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