Critique – Ada et Graff – Dany Héricourt – Liana Levi

Critique – Ada et Graff – Dany Héricourt – Liana Levi


Alors que la chaleur accable La Roque, bourg aux confins du Massif central, Ada, bientôt septuagénaire, se baigne dans la rivière, un rite qui rythme ses journées de solitude.

Parfois, elle se rend au village, dans l’espoir de retrouver sa fille Becca enrôlée depuis près de sept ans dans une secte.

Pour cette courte balade, elle glisse des petits cailloux dans ses chaussures. Comme un rappel des douleurs qu’elle a endurées tout au long de sa vie, comme un supplice qu’elle s’inflige pour raviver la culpabilité de n’avoir pu empêcher sa fille de rejoindre Kaï, le gourou.

Non loin de là, Graff, la jambe brisée, observe le départ de ses compagnons circassiens. Il peut compter sur la présence d’une jument, blessée elle aussi.

C’est à partir de la rencontre entre ces deux reclus que se construit le joli roman de Dany Héricourt.

Alors que les vieux sont invisibles, qu’ils ne servent plus à rien, qu’on ne leur prête aucun désir, l’auteur leur offre, avec « Ada et Graff », un bel écrin.

Bravant son statut d’épouse de médecin et les commérages des habitants, Ada va se laisser emporter par un amour improbable et inespéré, celui qui la poursuit depuis qu’elle a vu, vingt-cinq ans plus tôt, le dos musclé de ce Gitan qui depuis habite ses rêves.

Tous deux ont en commun un parcours chaotique : pour Ada, la mort d’un frère enseveli vivant dans une mine et le chagrin de sa mère partie trop tôt ; pour Graff, une naissance en Transnistrie dans un camp de concentration suivie, après la guerre, d’un déplacement au fin fond de la Transylvanie, pour se débarrasser d’un peuple bien encombrant.

Bien que leurs destinées se soient déroulées à distance, l’Europe de l’Est pour Graff, la Grande-Bretagne puis la France pour Ada, les hasards et les choix familiaux antérieurs vont percuter leurs existences pour mieux les fusionner.

Entre le passé et le présent, entre le récit de l’intime et celui, plus universel, des opprimés, qu’ils soient des Roms persécutés ou des mineurs exploités, Dany Héricourt a composé, sur un thème peu abordé par la fiction, une fable à la fois sensible et grave avec des personnages touchants dans leur pudeur et leurs fêlures.

Merci à Babelio et aux éditions Liana Levi pour cette belle lecture.

EXTRAIT

Vieillir, c’est planifier les heures et converser seule.

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