Critique – Entre deux mondes – Olivier Norek – Michel Lafon

Critique – Entre deux mondes – Olivier Norek – Michel Lafon


Nous sommes en Syrie. Adam, policier opposant au régime de Bachar el-Assad, exfiltre sa femme Nora et sa fille Maya du pays. Elles embarquent sur un bateau à destination de l’Italie.

La famille doit se retrouver à Calais pour y rejoindre l’Angleterre. La petite étant malade, les passeurs craignant de se faire repérer la jette à l’eau ainsi que la mère.

Arrivé dans la Jungle, Adam recherche désespérément et vainement les deux femmes de sa vie. Dans ce qui fut le plus grand bidonville d’Europe dont le démantèlement a été finalisé en octobre 2016, Adam sauve la vie de Black, un jeune Soudanais qui est utilisé comme jouet sexuel par le groupe des Afghans, une véritable mafia, qui en veut au Syrien. On apprend par ailleurs qu’une « maison de sexe » aurait été financée, à son insu, par le Secours catholique ! Ça pourrait être drôle si ce n’était pas vrai.

Black est rebaptisé Kilani par Adam.

Parallèlement, Olivier Norek nous emmène à la brigade de sûreté urbaine de Calais que Bastien vient d’intégrer. Il s’est installé dans la ville avec Manon, sa femme dépressive depuis le décès de son père, et sa fille Jade, une adolescente très concernée par les problèmes des migrants. Car, « Entre deux mondes » n’est pas un simple polar. Comme l’a souligné l’auteur invité de « La grande librairie », il s’agit d’une « réflexion socio-politique » extrêmement bien documentée. Pendant trois semaines, ce petit-fils de Polonais auquel il dédie son livre s’est installé dans la Jungle et, le soir, a observé les flics accomplir leur sale besogne : ils empêchent les candidats au départ de rejoindre l’Eldorado britannique mais ont pour consigne de ne pas les arrêter et encore moins de les aider. Quelle hypocrisie ! Paradoxalement, Olivier Norek éprouve pour ses flics attachés à leur ville une forme de bienveillance.

Tout en s’attachant à humaniser (pour mieux apaiser nos peurs ?) cette Jungle que la plupart des médias et des politiques ont décrite comme une entité homogène alors qu’elle était formée de 10.000 individus venus des régions où la guerre et la misère sévissaient, Norek s’intéresse aussi à la question religieuse en révélant l’existence d’une mosquée dirigée par les salafistes au sein de laquelle intervient un recruteur de chair à canon pour Daech surveillé de près par la DGSI qui dispose de ses propres contacts sur place. On frôle parfois le roman d’espionnage mais l’écrivain avoue qu’il s’est basé sur des faits réels et ça fait froid dans le dos.

Selon Norek, son livre est « un roman animal qui parle au cœur ». Il est vrai que ces histoires d’amitié improbable entre Bastien et Adam et de la relation quasi paternelle entre ce dernier et l’enfant soldat qu’est Kilani nous touchent. Reste l’écriture, pas toujours à la hauteur.

EXTRAIT

Venant des pays les plus éloignés et les plus violents, ils échouaient ici, comme l’écume des conflits de l’Afrique et du Moyen-Orient.

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