Critique – La guerre est une ruse – Frédéric Paulin – Agullo

Critique – La guerre est une ruse – Frédéric Paulin – Agullo


« Al Harb Khoudaa », « La guerre est une ruse » en français, est une phrase extraite du Coran que Mohamed Merah, l’auteur, en 2012, des tueries de Toulouse et de Montauban, aurait prononcée pendant l’assaut de son appartement.

Les attentats islamistes qui se sont multipliés par la suite depuis trouvent leur origine dans l’Algérie des années 1990. Pour mieux comprendre la situation actuelle, Frédéric Paulin nous entraîne près de trente ans en arrière.

Nous sommes en 1992. En 1989, le pays qui a obtenu son indépendance en 1962 se dote d’une nouvelle constitution qui permet l’émergence de nombreux partis politiques dont le Front islamique du salut (FIS) qui remporte les élections locales l’année d’après et enregistre 47% au premier tour des législatives de décembre 1991. Pour stopper le raz-de-marée attendu, l’armée interrompt le processus « démocratique ». Mais les « barbus » ne vont pas se laisser faire. Ils lancent une lutte armée via le GIA. Les « Janviéristes », une poignée de généraux qui détient le pouvoir réel, vont élaborer une invraisemblable conspiration en semant encore davantage la terreur par l’instrumentalisation des fous d’Allah. Ils n’hésiteront pas, pour conserver l’appui de la France, à entretenir chez l’ex-puissance occupante un climat d’inquiétude et à exporter chez elle un conflit jusqu’alors algéro-algérien. La première concrétisation sur le sol national de cette machination diabolique est l’attentat dans le RER B en 1995. Et nous payons toujours les frais du cynisme des gouvernements de part et d’autre de la Méditerranée. Comme l’explique très bien l’auteur, lorsque le président Bendjedid donne « des gages aux islamistes », Paris s’indigne. « Pas parce que les femmes algériennes étaient désormais des mineures à vie, selon le nouveau code de la famille ; plutôt parce que si une république islamiste voyait le jour (…), les exportations d’hydrocarbures dont dépendaient la France pourraient s’en trouver affectées. ».

Agent solitaire de la DGSE hanté par les fantômes du passé, Tedj Benlazar, surveille de près le redoutable Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS) et découvre la collusion machiavélique entre celui-ci et le GIA. Il est conforté dans sa conviction par le commandant Rémy de Bellevue, un fin connaisseur de l’Afrique en charge du renseignement à l’ambassade de France, qui constate une radicalisation de la société qui banalise les violences. La peur règne, les femmes insuffisamment couvertes sont aspergées au vitriol, les poètes, comme Tahar Djaout sont assassinés… Dans ce texte, on croise aussi, entre autres, un personnage de sinistre mémoire : Khaled Kelkal. Né en Algérie, il rejoint son père à Vaulx-en-Velin. Ses bons résultats scolaires ne l’empêcheront pas de tomber dans la délinquance, d’être emprisonnés et de fréquenter des islamistes. On connaît la suite. Khaled, bras armé du GIA, sera le principal responsable des attentats commis sur le sol français à l’été 1995.

« La guerre est une ruse », roman curieusement peu remarqué par la critique, est un thriller politico-historique passionnant, extrêmement bien documenté et efficace qui mêle fiction et réalité. Le duo masculin – Tedj et Rémy – est équilibré par un tandem féminin incarné par deux personnages forts : Gh’zala, la fiancée d’un extrémiste proche du FIS, qui aspire à la liberté et Fadoul, la compagne du vieux baroudeur qu’il a rencontrée au Tchad.

Enfin, l’opus de Frédéric Paulin n’est pas qu’un récit d’action. Il introduit une bonne dose de psychologie et raconte, au milieu du chaos, de belles histoires d’amour et d’amitié.

Ce qui m’a empêchée de lui décerner 5 étoiles : l’avalanche de personnages qui m’a un peu perdue. Surtout au début.

EXTRAIT

  • Disons que si des terroristes islamistes tuent des ressortissants français (…), la présence au pouvoir (…) des militaires (…) devient nécessaire et la répression qu’ils exercent, légitime.
  • Sauf votre respect, si l’Algérie était démocratique, les barbus seraient au pouvoir.
  • De vrais islamistes sortis des camps de détention du sud de l’Algérie (…) ont été intégrés dans les groupes des forces spéciales dont la mission était de réduire les poches d’insurgés.
  • Mais le principal instigateur du GIA a sans doute été Abdelkrim Gharzouli, un « Afghan » algérien, appartenant au comité consultatif d’une organisation dirigée par un saoudien basé en Afghanistan, Al Qaïda.
  • Il n’y a pas d’intégration quand on a un nom comme le sien, une peau comme la sienne. Etudes ou pas, l’intégration, c’est un mensonge de la gauche.
  • « Si tu te tais tu meurs, et si tu parles tu meurs, alors dis et meurs… » (Tahar Djaout)

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