Critique – La Propagandiste – Cécile Desprairies – Seuil

Critique – La Propagandiste – Cécile Desprairies – Seuil


C’est du haut de son enfance que Cécile Desprairies parle.

Petite fille dans les années 1960, elle entend sa mère Lucie vitupérer les « salauds ».

Mais qui sont ces « salauds » ? On peut supposer que c’est parce qu’elle a voulu comprendre leur identité qu’elle devint historienne spécialisée dans l’occupation allemande et la collaboration.

En revenant sur le parcours de sa génitrice, c’est le récit des Français qui ont soutenu les nazis et ont échappé à l’épuration qu’elle raconte.

Née en Bourgogne dans un milieu pauvre, l’intelligente et brillante Lucie obtient une bourse pour poursuivre ses études dans un lycée parisien où elle est humiliée par ses condisciples qui se moquent de son accent.

La plupart de ses tortionnaires étant d’origine juive, les responsables des vexations endurées seront une cible toute trouvée. Fruit de la méritocratie, elle aurait dû adopter les principes républicains. Pourtant c’est le désir de revanche qui l’emporta.

Pour narrer l’itinéraire d’une femme dont l’existence fut une immense farce, l’autrice a pris le parti de l’humour.

Ce choix peut en choquer certains. Ce n’est pas mon cas. La satire est peut-être le seul moyen de prendre ses distances et d’éviter l’indignation vaine et le pathos inhérent à l’objet d’étude.

Lucie est présentée comme le mentor d’une famille qui a versé sans exception dans la collaboration. Sa fille l’observe chaque jour entourée de sa mère, de sa cousine et de sa sœur, « un club de femmes à l’italienne » pérorant sur la belle époque du Troisième Reich et la « gloire passée » tout en évoquant avec émotion le souvenir d’un certain Friedrich, « pronazi convaincu », qui fut le premier mari de Lucie après une liaison avec un officier de la Kommandantur…

En dehors de ces réunions familiales nostalgiques et hystériques, Lucie bourre le crâne de la petite Cécile, Coline dans le récit, de théories racistes et lui fait réciter les verbes irréguliers allemands.

Grâce à l’écriture de « La Propagandiste », l’historienne s’est débarrassée d’un passé délétère.

Quant au lecteur, il ressort glacé de cette confrontation avec une période qu’on aimerait oublier.

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