Critique – Le tailleur de Relizane – Olivia Elkaim – Stock

Critique – Le tailleur de Relizane – Olivia Elkaim – Stock


Une nuit d’octobre 1958, en pleine guerre d’Algérie qu’on appelait alors, comme pour minimiser son ampleur, « les événements », Marcel est kidnappé. Sa femme, ses enfants et ses voisins sont persuadés qu’il ne reviendra pas.

Pierre, le père de l’auteure, a 6 ans à l’époque et la disparition de son géniteur est son premier souvenir d’une enfance commencée à Relizane.

Quelques jours plus tard, Marcel est de retour. Ses ravisseurs, des fellaghas, voulaient juste profiter de ses talents de tailleur pour se faire confectionner de jolis costumes… Il garde le silence sur l’enlèvement, attirant sur lui la suspicion. Ne soutiendrait-il pas ceux qui se battent pour l’indépendance de l’Algérie ?

Il est persuadé que le conflit ne le concerne pas lui qui a toujours considéré les Arabes comme des frères. Contrairement à son épouse Viviane qui sombre dans la dépression. Malgré la protection dont bénéficie Marcel, la famille Elkaim devra quitter l’Algérie et rejoindre Marseille.

Marcel « était français par accident » par la grâce du décret Crémieux. Ses « grands-parents étaient des Juifs indigènes issus de familles berbères autochtones installées depuis plusieurs siècles à Relizane ».

En racontant l’histoire de sa famille, alors qu’elle avait toujours voulu l’effacer, Olivia Elkaim, qui se met en scène pour décrire le parcours qui l’a amenée à prendre conscience de l’importance des racines, affirme une part de son identité. Elle écrit pour renaître.

Avec finesse, justesse, tendresse pour ses personnages (j’ai une préférence pour Marcel, son humanité et son optimisme malgré le déchirement de quitter le pays où il est né) et sans prendre partie pour l’un ou l’autre camp, elle souligne combien ceux qui étaient alors surnommés les pieds-noirs furent ignorés et négligés par ce pays qu’ils ne connaissaient pas. Comme s’ils étaient responsables de cette guerre coloniale perdue par la France (Georges Pompidou, alors Premier ministre, voulait les envoyer en Amérique du Sud ou en Australie !) alors qu’ils n’étaient que les jouets d’une Histoire trop grande pour eux. « On ne voulait plus d’eux là-bas. On ne voulait pas d’eux ici » écrit-elle. En donnant chair à l’exil, elle adresse au lecteur un message universel. « On est tous l’Arabe de quelqu’un ! » affirme Marcel à ses enfants. A méditer…

EXTRAITS

  • On pouvait vivre ex nihilo, et heureux, pensais-je alors.
  • Tout s’efface peu à peu. Tout va être remplacé.
  • Parce qu’en vérité, on a laissé bien plus qu’un pays. C’est notre jeunesse qui est restée là-bas.

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