Critique – La petite-fille – Bernhard Schlink – Gallimard

Critique – La petite-fille – Bernhard Schlink – Gallimard


Lorsque Kaspar rentre chez lui après une journée passée dans sa librairie, il découvre son épouse Birgit noyée dans la baignoire. Pourquoi a-t-elle avalé une telle quantité d’anxiolytiques ? Pour être sûre de bien dormir ou pour mettre fin à ses jours ? Le mari ne saura jamais. Ce qu’il sait en revanche c’est qu’elle souffrait de dépression depuis des années et qu’elle tentait d’oublier son mal-être dans l’alcool.

Malgré son amour inconditionnel pour son épouse, celle-ci était une énigme. Kaspar l’avait rencontrée en RDA et exfiltrée à Berlin-Ouest, puis épousée en 1969.

Dans la première partie du roman, qui en compte trois, Bernhard Schlink nous plonge au cœur de la partie communiste de l’Allemagne d’avant la réunification, celle qui promettait le paradis, alors que ses citoyens étaient privés de liberté et des biens de consommation dont bénéficiaient leurs « frères » de l’Ouest. Le beau projet volera en éclats vingt ans plus tard avec la chute du mur de Berlin.

Dans un roman qu’elle a commencé à écrire peu de temps avant sa mort, Birgit se confie sur ce vide laissé par la disparition de son pays natal. « Le vide me rend triste » note-t-elle. Elle confesse aussi l’existence d’un bébé qu’elle aurait abandonné avant sa fuite pour rejoindre Kaspar.

Passés ces chapitres un peu démoralisants, l’auteur entre enfin dans le vif du sujet : la rencontre de Kaspar avec la fille, et surtout, avec la petite-fille de Birgit. Comme pour honorer la mémoire de sa femme qui avait commencé à effectuer des recherches pour retrouver son enfant.

Bienvenue chez les « völkisch », des ex-Allemands de l’Est vivant dans des communautés néo-rurales, nostalgiques du nazisme, racistes, antisémites, révisionnistes et prônant le culte du corps et de la nature.

En contrepartie d’une partie de l’héritage, le grand-père par alliance obtient d’accueillir sa petite-fille pendant les vacances scolaires. Le cerveau lavé par l’idéologie nationaliste, l’adolescente a une vision aux antipodes de celle du septuagénaire nourrie de valeurs de tolérance et d’ouverture.

Comment, sans la brusquer, faire comprendre à Sigrun qu’elle fait fausse route en se privant des beautés du monde ?

Grâce aux livres, et surtout, grâce à la musique, langage universel par excellence, Kaspar va, à force de patience et d’intelligence, insinuer le doute dans son esprit et ébranler ses certitudes.

Au-delà de la question essentielle de la transmission entre un vieil homme et une adolescente, « La petite-fille » est une variation sur l’amour, celui qu’on éprouve pour sa femme disparue et celui qu’on ressent pour une enfant perdue.

C’est aussi un roman sur l’Allemagne qui examine les conséquences de la réunification pour les citoyens de la RDA qui, pour certains, ont eu l’impression d’avoir perdu leurs racines et développé des comportements de repli.

EXTRAIT

Quand j’écoute Bach, j’ai le sentiment que la musique contient tout, le léger et le lourd, le beau et le triste, et qu’il les réconcilie.

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