Critique – Le pays des oubliés – Michael Farris Smith – Sonatine

Critique – Le pays des oubliés – Michael Farris Smith – Sonatine


« Etre vivant, de toute façon, c’est avoir des cicatrices ». Cette phrase de John Steinbeck placée en exergue donne l’esprit du troisième roman de Michael Farris Smith.

Des stigmates, physiques et psychologiques, Jack, le personnage principal du « Pays des oubliés », en porte en abondance. « Alors qu’il avait deux ans le garçon fut déposé à la porte des dons du bric-à-brac de l’Armée du Salut à Tunica, ne portant rien d’autre qu’une couche informe. » Toute son enfance passée du côté du delta du Mississippi n’est qu’une succession d’abandons jusqu’à sa rencontre avec la douce Maryann. Elle aussi a des fêlures, empêchée qu’elle est de vivre librement son amour et sa sexualité.

Arrivé au mitan de sa vie, Jack est au bout du rouleau. Son corps martyrisé

par des années de pugilat, de fréquentation de dealeurs, de parieurs clandestins et d’hommes « qui tuaient des chiens avec d’autres chiens », n’est que souffrance. Le choix est entre « frappe ou fais-toi frapper ». Bref, que de la violence. Enfin presque puisqu’il y a Maryann, tendre et empathique, qui agonise dans un mouroir. Pour la sortir de là et qu’elle puisse retourner dans sa maison saisie à cause des dettes accumulées par ses inconséquences, le boxeur doit, malgré ses douleurs, combattre de nouveau et gagner l’argent nécessaire. C’est sans compter sur Big Mamma Sweet, une impitoyable mafieuse, mais aussi sur les regrets qui le tourmentent. Est-il possible de tout recommencer ? Telle est la question qui le taraude, lui qui semble avoir oublié la formidable éducation que Maryann lui a transmise.

Chez l’auteur de « Nulle part sur la terre », il y a toujours des rencontres rédemptrices. Comme Maben et Russell dans le roman précédent, Jack et Annette, dont le corps entièrement tatoué affole les hommes, vont se trouver. Normal, la jeune femme est adepte de l’Eglise de la coïncidence et ces deux-là se ressemblent tellement.

Dans la lignée d’un R. J. Ellory ou d’un James Lee Burke, le fils de prédicateur baptiste se penche, avec une justesse dans le ton,sur le thème éternel de l’homme qui lutte pour sa survie et contre le mal. Tragique !

Merci à Babelio et aux Editions Sonatine pour cette belle lecture qui m’a fait penser au « Dans la cage » de Kevin Hardcastle publié l’an dernier. Sauf que, sur le même thème, Michael Farris Smith a réussi un bon roman là où le Canadien a échoué.

EXTRAIT

Il trouva l’angoisse de l’abandon et les heures noires de la solitude enfantine et la désolation de l’inconnu. Il trouva le visage carnassier de l’addiction qui avait vécu avec lui dans les chambres sentant le renfermé et il trouva les longues périodes de poisse durant lesquelles il avait foutu en l’air le travail de générations pour de pauvres frissons égoïstes. Il trouva la haine de soi à laquelle il n’avait pas eu le cran de s’opposer et il trouva ses propres yeux drogués lui retournant son regard dans le miroir de la honte

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