Critique – L’homme de la montagne – Joyce Maynard – Philippe Rey

Critique – L’homme de la montagne – Joyce Maynard – Philippe Rey


Avec sept romans à son actif, Joyce Maynard s’attache, à l’instar de ses compatriotes Joyce Carol Oates et Laura Kasischke, à sonder les mystères de l’adolescence.

Alors qu’un serial killer sévit dans les montagnes de Californie du Nord où elles vivent avec leur mère, Rachel, 13 ans, la narratrice, et Patty, sa petite sœur de 11 ans, font des collines environnantes un formidable terrain de jeu.

Défiant le danger qui rôde, l’inséparable fratrie, avec ce sentiment d’immortalité et d’impunité propre à cet âge, brave celui qu’on surnomme l’Etrangleur du Crépuscule ou encore le monstre des pentes. L’aînée, à l’imagination débordante et dotée d’un don de prescience, est même certaine de le démasquer. Et elle a de qui tenir. Son père, le séducteur Torricelli aux faux airs de Dean Martin, est l’un des meilleurs inspecteurs de la région. Profiler avant l’heure, doué pour faire craquer les assassins les plus coriaces, il a un sex-appeal qui fait tomber toutes les femmes. Sauf la sienne, un brin dépressive et lassée d’être bafouée par cet époux volage. Après la séparation de leurs parents, les sœurs prennent parti pour le père, ce magicien qui fabrique des araignées avec leurs cheveux…

Polar où des adolescentes sont les héroïnes, « L’homme de la montagne » est surtout un roman d’initiation qui a la grâce, le charme et la folie d’une période de la vie où tout est encore possible. Il restitue parfaitement les affres et la fantaisie de l’adolescence : la peur d’être différentes de ses camarades de classe, l’appréhension face aux changements du corps, le goût pour le danger, la faculté à se raconter des histoires… Avec leurs faiblesses et leurs incertitudes, les personnages sont attachants, y compris et surtout le père, grand amoureux des femmes et malgré tout pudique. Et la nature, sauvage et omniprésente, est si belle… Même si elle est parfois menaçante.

EXTRAITS

  • Un jour, nous avons décidé de découvrir ce qu’on ressent quand on est mort.
  • Nous n’avions que nous.
  • (…) si être une fille populaire signifiait attendre sans bouger que sèche son vernis à ongles, ou écouter Teddy Bascom décrire le moindre de ses mouvements au karaté, si être impopulaire permettait de choisir entre se balancer à une liane pendant à une branche d’arbousier, dévaler la montagne en roulés-boulés, ou traînasser avec sa sœur dans la cabine rouillée d’un camion avec un sac de crackers et un cahier où écrire des histoires pour les lire ensuite à haute voix – faisant rire sa sœur si fort qu’on l’entendait probablement du bas de la montagne – alors qu’y avait-il de si génial à être populaire ? Ou de si affreux à ne pas l’être ?

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