Critique – November road – Lou Berney – Harper Collins

Critique – November road – Lou Berney – Harper Collins


Rappelez-vous Alain Delon dans « Le clan des Siciliens », « Le cercle rouge » (la moustache en moins) ou encore « Borsalino ». J’imagine Frank Guidry, le héros de « November road », comme son double avec ses cheveux sombres et ses yeux clairs.

Ce séducteur invétéré prêt à balancer ses meilleurs « amis » fait craquer les femmes qui fréquentent les mêmes lieux malfamés de « Big Easy », surnom donné à La Nouvelle-Orléans, la nonchalante. Mais, avec l’assassinat de JFK en novembre 1963, la vie de cet hédoniste va être bouleversée. Son boss, l’impitoyable mafieux Carlos Marcello, et Seraphine, son bras droit, veulent l’éliminer parce qu’il en sait beaucoup sur le meurtre du président des Etats-Unis. Frankie prend la tangente poursuivi par le cruel Barone, un tueur à gages sans pitié qui sème des cadavres comme le Petit Poucet des cailloux.

A près de 900 miles de là, en Virginie-Occidentale, Charlotte, mère de deux petites filles, ne supporte plus son mari alcoolique et feignant. Dans cette Amérique des années 1960 où l’épouse n’est censée s’épanouir que dans le cadre familial, elle a des rêves que sa vie dans le comté de Logan enfermé « dans ses coutumes bornées et étriquées » empêche de réaliser. Normal que son film préféré soit « le Magicien d’Oz » avec une prédilection pour la scène où Dorothy ouvre « la porte de sa ferme en noir et blanc » et pénètre « dans un monde en technicolor, étrange et merveilleux » (N.B. en 1928, des bibliothèques américaines censurent le roman publié en 1900 sous prétexte  qu’il « dépeint des personnages de femmes fortes dans des rôles de leader » !). Quand elle dévoile ses dons de photographe, son entourage se moque d’elle. Alors, comme Judy Garland, elle va forcer le destin, prendre ses cliques et ses claques, Rosemary, Joan et le chien épileptique Lucky sous le bras, à destination de la Californie. Les deux fuyards vont bien évidemment se trouver. Le mauvais garçon devenu Frank Wainwright et vendeur d’assurances va instrumentaliser la jeune femme pour sauver sa peau. Pas de meilleure couverture en effet que de se faire passer pour un bon père de famille en voyageant avec épouse et enfants ! Mais le peu sentimental truand à l’enfance malmenée ne va pas rester longtemps insensible à cette mère de famille intelligente et courageuse. Les deux tourtereaux n’auront pas trop de temps pour les sentiments car la chasse à l’homme va se poursuivre jusqu’à un final étonnant.

Avec « November road », Lou Barney nous embarque dans un road trip effrené où les scènes d’action dignes de films de voyou se télescopent avec des moments plus intimes et émouvants. Les personnages principaux sont justes et touchants avec leurs failles. Une belle réussite même si j’aurais aimé que la conspiration organisée pour éliminer JFK soit davantage développée.

Merci à Babelio et aux Editions Harper Collins pour cette lecture stimulante.

EXTRAITS

  • Mais c’était ça, La Nouvelle-Orléans. Même le pire orchestre dans le boui-boui le plus minable de la ville savait swinguer, mon vieux, vraiment swinguer.
  • Le pire, dans une enfance malheureuse, ce sont les rares bons moments, qui laissent entrevoir un aperçu de la vie qu’on aurait pu avoir à la place.
  • La ville avait autant de charme qu’un chewing-gum qu’on vient de décoller de sous sa semelle. (à propos de Las Vegas)
  • Au milieu du chemin de notre vie, je me retrouvai par une forêt obscure, car la voie droite était perdue. 
    C’étaient les seuls vers de Dante dont Guidry se souvenait.
  • Avait-on besoin de savoir prédire l’avenir, quand on pouvait le créer soi-même ?
  • La vie n’était rien d’autre que ça, non ? Une suite de rapides calculs : déplacer des poids, équilibrer des balances. La seule mauvaise décision était de laisser quelqu’un d’autre décider à votre place.
  • Dans ce métier, les problèmes avaient tendance à être aussi contagieux qu’un rhume ou la chaude-pisse. Guidry savait qu’on risquait d’en choper rien qu’en serrant une mauvaise main ou à cause d’un regard malheureux.
  • Ma philosophie, c’est de penser que la culpabilité est une habitude malsaine, dit-il. C’est ce que les gens essayent de vous faire ressentir afin de vous pousser à faire ce qu’ils veulent. Mais on n’a qu’une seule vie, pour autant que je sache. Pourquoi la gaspiller ainsi ?
  • Dans cette vie , on n’a droit qu’à un seul tour de manège. On n’est ici-bas qu’une seule fois. Si on ne profite pas de chaque minute, si on n’accueille pas le plaisir à bras ouverts, à qui la faute ?
  • Il était à l’image de Las Vegas. Il était trop.

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