Critique – Désorientale – Négar Djavadi – Liana Levi

Critique – Désorientale – Négar Djavadi – Liana Levi


Kimiâ, la narratrice, patiente dans la salle d’attente de l’hôpital Cochin. Elle espère une insémination artificielle qui la fera devenir mère. L’expectative lui offre l’occasion de laisser son imagination vagabonder. Le passé refait surface. Nous est alors racontée l’histoire d’une enfant née en Iran en 1971 de parents opposants politiques au Shah puis au régime des mollahs.

L’exil peut rendre schizophrène. C’est aussi le cas de ce récit fait d’allers et retours entre le passé et le présent, entre l’enfance et la vie d’adulte, entre l’évocation des aïeux et celle de ceux qui restent, avec leurs blessures.

Dès le jour de la naissance de Kimiâ, sa grand-mère arménienne qui lit dans le marc de café sait que sa petite-fille sera différente. Après déjà deux filles, toute la famille attendait en effet un bébé de sexe masculin ! Est-ce cette prédiction qui va influencer son comportement de garçon manqué et, plus tard, son penchant pour les femmes ? Rappelons qu’en Iran, l’homosexualité est passible de la peine de mort.

Mené tambour battant, entre humour et émotion, « Désorientale » est un formidable roman sur le pays quitté et sur celui qui vous accueille. Quelles que soient les horreurs commises par les différents gouvernements, l’Iran est le pays de l’enfance heureuse. Patrie des droits de l’homme et de la liberté, la France a du mal à offrir aux étrangers qui la choisissent l’hospitalité qu’ils sont en droit de recevoir.

« Désorientale », c’est aussi une réflexion sur l’identité, qu’elle soit sexuelle ou culturelle. Il propose une magnifique galerie de personnages. J’ai une petite préférence pour le père de la narratrice, un homme à l’abnégation totale.

EXTRAIT

– Croyez-moi, personne ne rate l’étranger. Personne ne résiste au plaisir poisseux de gratter là où il y a différence. La langue est assurément le moyen le plus facile de le coincer, de l’enserrer, jusqu’à ce que sa façade de normalité acquise de longue date craquelle et pendouille sur son corps embarrassé.

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