Critique – Hôtel Waldheim – François Valléjo – Viviane Hamy

Critique – Hôtel Waldheim – François Valléjo – Viviane Hamy


J’ai assisté à la rencontre avec François Valléjo organisée par L’Armitière à Rouen le 27 novembre dernier alors que je lisais, ô hasard, le dernier roman de l’auteur de « Ouest ». Etait présente Viviane Hamy, une éditrice passionnée.

« Hôtel Waldheim » commence par cette phrase : « Personne n’arriverait à croire qu’une survivance des moyens de communication les plus archaïques comme une carte postale puisse bouleverser un homme, moi, la vie d’un homme, la mienne ; une carte postale. »

Ce petit bout de carton sur lequel est écrit dans un français approximatif « Ca vous rappel queqchose ? » déconcerte Jeff Valdera, destinataire et narrateur de ce récit qui nous renvoie dans les années 1970, époque où les blocs de l’Est et de l’Ouest s’affrontaient avant que le mur de Berlin ne s’effondre et l’empire soviétique ne se disloque.

Après avoir reçu plusieurs messages antédiluviens, le désormais quinquagénaire finit par rencontrer l’auteure des déclarations absconses, une certaine Frieda Steigl, non loin de la plage du Havre. Cette dernière, qui lui annonce que son nom figure dans les archives de la Stasi, l’enjoint de se souvenir de ce qui s’est passé à Davos dans l’Hôtel Waldheim. Elle est en effet la fille du disparu Friedrich Steigl avec lequel Jeff, alors adolescent, s’adonnait au jeu de go. Pour passer le temps dans cet endroit peuplé de personnes âgées et peu attirant pour un garçon qui s’éveille à la sensualité… Il pratique aussi les échecs avec Linek, autre personnage central du roman.

Alors que les personnages sont la métaphore de la guerre froide et de l’espionnage qui en est l’un des instruments, la vie quotidienne à Davos glisse sur le narrateur.

Frieda, « espèce d’ogresse suisse », avec une insistance qui frôle la violence, va obliger Jeff à se replonger dans un passé oublié et à lui faire prendre conscience de son rôle actif, mais néanmoins inconscient (« je ne savais pas que je le savais » confie-t-il), dans les événements qui ont conduit à la disparition de Friedrich.

En s’interrogeant sur les fonctions de la mémoire et des individus dans la construction de l’histoire, François Valléjo se livre à un exercice littéraire intelligent qui prouve que la fiction, en lui donnant de la chair, est souvent l’un des meilleurs moyens pour comprendre le passé.

Cerise sur le gâteau : « La montagne magique » de Thomas Mann comme fil rouge de ce beau texte.

EXTRAITS

– Ce que je raconte n’est jamais ce que je crois, ce que j’accepte de montrer révèle de mieux en mieux ce que je cherche à cacher.

– Incroyable, ce bouleversement d’une époque que j’ai vécue, ou pas vécue comme j’aurais dû. Difficile de dire qu’elle ne m’a pas secoué. Ce n’est pas rien de ne plus maîtriser qui on est, au moins qui on a été, ce qu’on a fait ou pas fait, ce que d’autres ont fait de soi. Nous avons vécu la même histoire et une autre, comment est-ce possible ? Ou alors c’est toute notre vie qui est comme ça, on se goure jour après jour sur ce qu’on croit vivre, la plupart du temps sans s’en apercevoir. Quelquefois, ça bascule, comme aujourd’hui.

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