Critique – Le grand Coeur – Jean-Christophe Rufin – Gallimard

Critique – Le grand Coeur – Jean-Christophe Rufin – Gallimard


Né à Bourges près de six siècles après son modèle, Jean-Christophe Rufin s’est glissé dans la tête du Grand Argentier de Charles VII pour nous faire revivre l’existence de ce personnage hors norme.

Écrit comme des Mémoires, le texte utilise la première personne du singulier pour nous placer au plus près des pensées de celui qui fut au 15ème siècle l’homme le plus riche de France.

Ce n’est qu’à la trentaine bien tassée que ce fils de pelletier (profession de préparateur et de vendeur de peaux et de fourrures) fit fortune. Est-ce le mépris des nobles locaux à l’égard de sa famille de bourgeois aisés qui poussa Jacques à amasser argent, bijoux et propriétés ? Certainement. Même si ce désir de revanche sociale l’obligea à bousculer une nonchalance naturelle doublée d’une faiblesse physique. Heureusement, l’homme est doté d’une autorité innée, d’un charisme évident et d’une intuition que son tempérament de rêveur, qui n’a rien de doux, favorise. C’est aussi le mariage avec Macé, une jeune fille de la bonne société berruyère, qui l’encouragea à sortir de sa condition de rentier. L’union fut rapidement écornée après sa rencontre avec la belle Agnès Sorel. Cette amitié amoureuse est joliment décrite par l’auteur.

En même temps qu’il fut un obligé du roi, allant jusqu’à financer des guerres coûteuses, causant la jalousie du souverain (« j’étais plus riche que lui, plus riche que l’État ), il fut un homme résolument moderne. Attiré par l’étranger depuis sa « rencontre », enfant, avec un léopard, il parcourut l’Orient, un monde envoûtant et précieux dont il rapporta des trésors qui concoururent à sa prospérité et un mode de vie raffiné.

Fasciné par Jacques Cœur dont il admirait dans sa jeunesse le magnifique palais, Jean-Christophe Rufin dresse un portrait à décharge de celui dont la vie a souvent été résumée à une accumulation de richesse alors qu’elle se termina par l’exil et la déchéance.

Malheureusement, on s’ennuie souvent ferme à la lecture de cette hagiographie bien longue même si le souci de réhabilitation est touchant.

EXTRAITS

  • Enfermés dans leurs châteaux forts, menacés sans cesse de pillages, les nobles de chez nous n’avaient pas le loisir d’ordonner la terre comme ils le faisaient de la pierre. Nous ne connaissions que deux mondes : la ville ou la campagne. Entre les deux, les Arabes avaient inventé cette nature réglée, hospitalière et close qu’est le jardin.
  • Nous sommes humains parce que nous avons accès à ce qui n’existe pas.

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