Critique – Les vieilles – Pascale Gautier

Critique – Les vieilles – Pascale Gautier


Nous sommes au Trou, une petite ville qui a la particularité, à part un nonagénaire dont on se plaît à souhaiter la mort tellement son entêtement à vouloir rester jeune le rend insupportable, de ne compter parmi ses habitants que des dames âgées, toutes veuves.

Entre celle qui est sourde comme un pot, celle qui est odieuse avec sa famille, celle qui a encore une libido bien vigoureuse, celle qui ne cesse de prier parce qu’elle a peur de mourir, Pascale Gautier nous livre une galerie de portraits savoureuse sur la vieillesse et ses travers. D’autant plus qu’une météorite menace de s’écraser sur la terre (à la limite, cet événement que chacune attend me semble superflu).

Avec un humour caustique parfois teinté de poésie et de tendresse, l’auteur pointe du doigt, mine de rien, cette solitude qui nous guête.

Extraits :

  • Tout a bien changé depuis son lointain mariage. D’abord, ils sont tous devenus vieux, ceux qui ne sont pas morts. Et puis ça se construit de partout, autour de la ville. Ca s’étale ! Des lotissements, des maisons, des immeubles. Le soleil attire les hommes. Alors qu’il n’y a rien de plus meurtrier. Ce sont des personnes âgées qui viennent. Ils ont l’impression qu’être au soleil va leur faire voir la vie en rose. Ils viennent du nord, de l’est, de l’ouest et même du sud. Ils viennent de l’étranger. On ne comprend souvent rien à ce qu’ils disent.
  • Auguste qu’il s’appelle. Il a une moto énorme qui fait un boucan du diable ! Un jour il va s’aplatir contre un platane, celui-là aussi ! ça ne m’étonnerait pas !
    – vous voyez tout en noir, Lucette !
    – Non je suis lucide, Une moto pareille, il y a encore un arbre qui va morfler dans pas longtemps !
  • Il va chercher [sa] maman pour le déjeuner dominical. C’est un calvaire. Mais elle a quatre-vingt huit ans. Ca devrait un jour s’arrêter.
  • – La pauvre… Mais elle n’a pas la télé chez elle ?
    – Si, mais elle ne la regarde jamais. Elle n’aime pas ça du tout mais elle n’ose pas se débarrasser de son poste. Je crois qu’elle lit des livres…
    – C’est bizarre ça …
  • Quelques minutes ont passé, lentes et claires. Il est neuf heures du matin. Elle n’a plus rien à faire.
  • Là, installées sur des bancs, des cohortes d’antiques, des brochettes de permanentes bleues, des colonies d’yeux aveugles et de cannes blanches. Un soleil froid illuminait la scène. Elle n’avait jamais vu ça. Des dizaines et des dizaines de créatures décrépites en plein conciliabule. Telles des mouches dans l’étable qui bourdonnent autour des pots remplis de lait, telles étaient-elles toutes en train de parler de leur tension, de leur coeur, de leur cataracte, des soins qui n’étaient jamais assez bien faits, des médecins qui n’étaient jamais assez attentifs, de tout cela qui, avant, ne se produisait pas, parce qu’avant, bien sûr, avant était l’âge merveilleux de leur jeunesse d’or

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