Critique – L’Origine des larmes – Jean-Paul Dubois – L’Olivier

Critique – L’Origine des larmes – Jean-Paul Dubois – L’Olivier


Pourquoi Paul Sorensen, responsable d’une entreprise de fabrication de housses pour les morts, a-t-il tiré deux balles dans la tête de Thomas Lanski, son défunt père ?

C’est tout l’enjeu de « L’Origine des larmes » de retracer le parcours de cet homme qui n’aura écopé, à l’issue de son forfait, que d’un an de prison avec sursis et d’une obligation de soins.

Entre cauchemars et séances avec un thérapeute un brin manipulateur qui lui rappelle parfois son géniteur, Paul déroule dans la souffrance le cours de sa vie et étale ses névroses.

Compte tenu de l’existence qu’il a menée depuis sa naissance, le cinquantenaire a bien des raisons d’être neurasthénique. On le serait à moins…

Le 20 février 1980, Paul voit le jour. Sa mère meurt en couches et son frère jumeau ne survit pas.

Entre son job macabre et les deux événements fatals qui marquent sa venue au monde, la mort est omniprésente.

Pour souligner la monstruosité de son père, il rappelle que celui-ci a confié le nourrisson, c’est-à-dire lui, à un proche et s’est envolé pour l’Italie afin d’y passer quelques jours de vacances.

Cette première signature de l’abjection sera suivie de beaucoup d’autres. Pour le sixième anniversaire de son rejeton, il offrit un canari décapité par ses propres dents. Il l’obligea à jeter ses jouets, alors ses seuls amis.

Dans sa folie perverse, il n’hésite pas à blasphémer en dévorant des poignées d’hosties qu’il fait venir tout spécialement de Modène par sachets de cinq cents et qu’il fait déguster à sa progéniture en lui disant : « Goûte, ce sont les chips du diable »  !

Non content de martyriser Paul, il persécuta aussi sa nouvelle épouse, une femme douce dont on se demande pourquoi elle s’est amourachée de cette ordure qui, en plus de pourrir la vie des siens, se lança dans des malversations minables et autres escroqueries.

Devenu adulte, le narrateur solitaire trouvera un peu de réconfort dans la gent canine avec laquelle il dialogue, le fantôme du frère, un grand-père maternel Secrétaire général de l’ONU inventé par le père dans un excès coutumier de méchanceté et des conversations avec une IA.

Tragi-comédie teintée d’un humour noir et désespéré, « L’Origine des larmes » est le récit poignant d’un homme brisé par son père et qui se venge en le tuant post mortem. Les préalables et les suites de ce faux assassinat seront à la hauteur des ravages subis pendant cinquante ans.

Tout, dans ce roman, rappelle la blessure primitive, tel ce déluge qui s’abat sur le pays depuis plusieurs mois après des années de sécheresse.

Comme Thomas Lanski, le climat est déréglé en cette année 2031 où se déroule le roman et ses fureurs cyclothymiques auront peut-être raison de nous.

+ There are no comments

Add yours