Critique – Simone Émonet – Catherine Millet – Flammarion

Critique – Simone Émonet – Catherine Millet – Flammarion


Depuis qu’elle est entrée en littérature en parallèle de son métier de critique d’art, Catherine Millet fait de son existence la matière première de ses récits.

Et la mère, en donnant la vie, est la pièce essentielle qui nous relie au passé.

Après avoir exhumé des photographies de famille reléguées dans un grenier, la directrice de la rédaction d’Artpress part en quête de celle qui s’est suicidée plus de quarante ans plus tôt.

En compulsant l’iconographie représentant sa mère saisie dans sa jeunesse, figée pour l’éternité, elle découvre une jolie femme, mince, élégante, au regard flirtant avec l’objectif et, peut-être, à celui qui se tient derrière. Sur un autre cliché, elle figure avec son mari lors d’un voyage en Italie. Sur ce portrait, le couple affiche un bonheur conjugal sans tache.

Or, dans le souvenir de l’autrice, Simone n’était qu’une boule de douleurs et une grande dépressive se lamentant sans cesse sur son sort à laquelle elle rendait visite, soit dans le trois-pièces de Bois-Colombes, soit à l’hôpital.

Quant au couple, il passait son temps à se disputer

Alors que la mère de Catherine Millet était au plus mal, son père agonisait, obligeant la fille, unique après la mort de son frère dans un accident de la route, à courir de l’un à l’autre, alors que son travail l’accaparait.

L’année 1982, l’autrice devint orpheline perdant ses deux parents à six mois d’intervalle, d’un cancer de la gorge pour le premier, d’un suicide pour la seconde.

Il ne reste que « cette collection de vieux papiers, localisée dans deux boîtes en carton » qu’elle ne consultera que des décennies plus tard pour s’interroger sur les raisons qui menèrent sa mère à une auto-destruction inexorable.

Selon celle-ci, « elle avait fait un mauvais mariage, elle avait eu une jeunesse sacrifiée par la guerre », ses capacités intellectuelles n’avaient pas été reconnues à leur juste valeur, elle avait perdu un enfant et souffrait le martyre.

Par petites touches, Millet tire ainsi les fils de l’existence de Simone pour reconstituer le portrait d’une femme qui est passée à côté de sa vie.

La clé explicative du passage à l’acte réside peut-être dans le rapport qu’elle entretint avec son corps, source de souffrance, qu’elle ne peut plus tenir debout, qu’elle ne supporte plus parce qu’il est inutile.

Ce qui saisit dans le récit de l’autrice de « Jour de souffrance », c’est qu’elle n’éprouve aucune culpabilité dans le suicide de Simone.

Si elle a toujours été présente, elle ne s’est jamais laissée vampiriser par le mal-être de sa génitrice, n’abandonnant jamais ses ambitions professionnelles si éloignées de son milieu social.

Ce qui est intéressant dans sa démarche, c’est qu’elle intellectualise sa recherche.

Sa quasi-froideur est une forme de pudeur qui n’interdit pas les émotions. C’est aussi aux lecteurs de se les forger. Ou pas.

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