Critique – Une drôle de peine – Justine Lévy – Stock

Critique – Une drôle de peine – Justine Lévy – Stock


En cette rentrée littéraire où les pères et les mères sont à l’honneur, Justine Lévy ne pouvait pas manquer d’être présente parmi les quelque 484 romanciers édités.

Après « Le Rendez-vous » (1995), et « Mauvaise fille », elle continue à sonder sa relation avec celle qui l’a vue naître et le poids de son absence depuis sa mort d’un cancer en 2004 alors qu’elle n’avait que cinquante-quatre ans.

Peut-être parce qu’elle était enceinte de son premier enfant, Justine n’a pas pleuré à l’enterrement de celle qui a brûlé sa vie par les deux bouts. Elle l’avait pourtant accompagnée jusqu’à la fin.

Enfant, elle vit le plus souvent chez BHL, son père, dont le portrait élogieux qu’elle en fait nous réconcilie avec ce personnage en apparence plutôt imbu de lui-même.

Elle voit sa mère assez rarement et ce à quoi elle assiste est traumatisant : la drogue, l’alcool, la crasse, l’exhibitionnisme, le je-m’en-foutisme permanent, la délinquance, la prison…

Pourtant, jamais elle ne lui reproche cette vie de junkie irresponsable. Elle se reproche même ne pas avoir su la sauver. Pour se préserver du souvenir de celle qui n’a pas su la protéger, elle s’emploie à ne pas lui ressembler en étant raisonnable, sérieuse, normale. Et pourtant… « Je suis souvent joyeuse mais toujours sous Prozac » confie-t-elle, ajoutant plus loin : « je n’ai pas pu être une enfant et je ne sais pas être une adulte. »

Vingt ans après sa mort, la figure maternelle, pourtant fantomatique quand elle était encore vivante, continue à la hanter, à lui manquer, entretenant chez elle une tendance au mal-être et à la dépression.

Comment se débarrasser de ce malaise lancinant ? En enquêtant sur sa mère pour découvrir pourquoi et comment elle est devenue cette loque humaine qui s’est ressaisie en apprenant sa maladie. Elle eut alors une vie saine et une relation apaisée et complice avec sa fille.

« Elle a enfin autre chose à faire que se suicider, se faire du mal, se droguer. Le cancer, pendant deux ans, lui a sauvé la vie. » écrit Justine Lévy.

Peu importe les réponses qu’elle trouvera, ou pas, en se rendant dans les lieux où elle a vécu : Mordelles en Bretagne où elle a passé son enfance au sein d’une famille toxique ; le bar de la rue Véron à Paris où elle fréquentait une faune peu recommandable ; l’Inde où Justine fut conçue et où elle se rend avec Pablo, son mari si compréhensif.

Ce qui compte, c’est le récit du parcours de l’écrivaine qui balance entre angoisse et euphorie, larmes et rires avec une grande autodérision, un sens de la formule qui sonne juste, de la fraîcheur et une grâce juvénile.

EXTRAITS

  • Ces années-là, être libre, pour maman, ça passait par ça : ne pas s’occuper de moi.
  • Elle a gardé ce rire d’enfant qui n’a pas le droit, ce rire volé au sérieux du monde.
  • On rit de tout ce qu’on n’a pas ri ensemble.
  • Vivre c’était déjà pas grand-chose, alors mourir…
  • Pourquoi tu m’a laissé si peu de souvenirs, et tellement de mensonges, maman ?

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