Critique – American Dirt – Jeanine Cummins – Philippe Rey
Le « pavé » de Jeanine Cummins commence par une scène digne des meilleurs thrillers. Lydia et son fils Luca, 8 ans, assistent, cachés dans la douche de la salle de bains de la grand-mère de l’enfant, à l’assassinat de seize membres de leur famille dont Sebastian, le père du petit garçon. Pourquoi une telle boucherie ?
Au nom de la quête de la vérité, Sebastian, journaliste d’investigation à Acapulco, a révélé l’identité du chef du cartel Los Jardineros. Il n’est autre que Javier alias La Lechuza (La Chouette), un client régulier devenu un ami de Lydia qui tient une librairie.
Menacée elle aussi de mort, la mère de famille n’a plus qu’un objectif : fuir le Mexique et gagner « el norte », l’eldorado que représentent les Etats-Unis.
Commence alors un terrible road trip pendant lequel Lydia et Luca vont affronter la faim, le manque d’hygiène, l’épuisement, la violence, le danger omniprésent, les vols, la chaleur et le manque de considération. Bref, tout ce qui fait la dignité humaine. Mais ils feront aussi de belles rencontres avec leurs sœurs et frères d’infortune que sont les autres migrants, masse informe qui vient nourrir les statistiques, qu’ils soient vivants ou morts. Tout au long de ce périple vers la liberté et la sérénité, ils craignent de « tomber » sur un membre du cartel.
Avec ses moments de tension intense (hélas trop rares), ses personnages attachants avec une prime à Luca, petit bonhomme intelligent, généreux et courageux, avec lequel on ne peut que s’identifier et son suspense qui nous amène à tourner les pages presque mécaniquement, « American Dirt » est un roman efficace qui souligne le calvaire de ces hommes et de ces femmes chassés de leur pays par la misère et par la crainte d’être assassinés et dont le martyre fait l’objet d’un business lucratif pour de nombreux intermédiaires qui profitent du malheur d’une partie de l’humanité. Sans oublier les policiers qui sont grassement rétribués par les cartels.
Ce qui m’empêche de lui attribuer cinq étoiles, ce sont les longueurs, le rythme inégal, l’introduction de mots espagnols qui n’apportent rien à la narration et les nombreuses maladresses et lourdeurs de style qui sont peut-être le fait de l’auteure ou, plus probablement, des traducteurs. Quatre exemples parmi tant d’autres : page 203, « Lydia manifestait une hypervigilance , sensible au moindre indice de danger » ; page 216, « L’esprit du garçon trouve le moyen horrible de lui rappeler qu’il ne doit pas céder à l’enchantement et l’inonde obligeamment de souvenirs » ; page 217, « Lydia concentre sa gratitude en un lent battement de cils » ; page 223 : « A l’ombre de l’aura de sa sœur, Rebeca brille comme un soleil caché ».
D’autre part, en ces temps de « cancel culture », Jeanine Cummins est accusée d’appropriation culturelle c’est-à-dire que les tenants de cette idéologie stupide refuse aux « dominants » d’exploiter la condition des « dominés » aux fins de créer une œuvre. En agissant ainsi, elle spolierait l’identité culturelle d’un peuple qui serait seul légitime à parler en son nom ! Le pire est que l’auteure semble s’en excuser par avance, tendant ainsi le bâton à ses détracteurs pour se faire battre. Elle revendique même des origines portoricaines et un mariage avec « un immigrant sans papiers ». Sans doute insuffisant pour calmer ses contempteurs !
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