Critique – Les Soldats de Salamine – Javier Cercas – Actes Sud

Critique – Les Soldats de Salamine – Javier Cercas – Actes Sud


Javier Cercas s’est glissé dans les habits d’un journaliste pour révéler ce qui l’a conduit à écrire « Les Soldats de Salamine ».

Nous sommes en 1994. Il entend parler pour la première fois de l’exécution ratée de Rafael Sanchez Mazas.

En cet annus horribilis, le narrateur est au bout du rouleau : son père est mort, sa femme l’a quitté et sa carrière rêvée d’écrivain est au point mort.

Un événement le sort de son abattement. Pour nourrir les pages culturelles du journal pour lequel il travaille, il interviewe le fils de Mazas qui lui confie ce moment où son père échappa à la mort.

Sa curiosité va être émoustillée par cet épisode et, plus largement, par la guerre civile qui déchira l’Espagne entre 1936 et 1939.

Soixante ans après, Cercas exhume le passé douloureux à l’aide de témoignages et de recherches.

Les faits sont les suivants : Mazas est l’un des fondateurs de la Phalange, un mouvement fasciste dirigé par José Antonio Primo de Rivera dont il est très proche.

Pendant la guerre civile, il est emprisonné et destiné au peloton d’exécution dont il parvient à se libérer. Il est aidé par de modestes paysans espagnols et soutenu par des soldats républicains fuyant l’avancée des troupes franquistes. Ces hommes que tout opposait, on les surnomma « les amis de la forêt ».

En 1939, et pour un an, Mazas est nommé ministre sans portefeuille dans le gouvernement de Franco. Il profita de sa fonction pour sauver de la mort ses anciens amis pour la plupart républicains.

Mais les idéaux fascistes de la Phalange ont vécu. Il ne reste qu’un vulgaire pouvoir « d’aigrefins, de balourds et de culs-bénits ».

Après son passage éclair en politique et devenu rentier à la faveur d’un héritage conséquent, il se consacre à l’écriture jusqu’à sa mort en 1966.

Après avoir relu son récit, le narrateur le trouve bancal. Par la grâce d’une rencontre avec le grand écrivain chilien Roberto Bolano, il va trouver la pièce manquante en la personne d’un homme extraordinaire dont je ne dirai rien, sauf qu’elle donne lieu à des pages très émouvantes.

Au-delà de la fresque historique, l’intérêt des « Soldats de Salamine » est la mise en perspective d’un homme qui devient écrivain et qui explique son cheminement.

Javier Cercas interroge aussi la vérité des faits historiques et la fragilité de la mémoire humaine, mais aussi le rapport entre réalité et fiction. C’est passionnant.

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