Critique – Someone – Alice McDermott – Quai Voltaire

Critique – Someone – Alice McDermott – Quai Voltaire


Un énième livre sur l’émigration irlandaise aux États-Unis écrit par une auteure dont le patronyme fleure bon le pays du trèfle vert ? Certes, mais de « Someone » se dégage un charme qui tient à sa narratrice, Marie.

Surnommée la « petite païenne » ou encore la « petite effrontée » par ses parents, elle observe le monde du haut de ses 7 ans. Est-ce sa forte myopie et le port de lunettes aux verres épais qui lui font porter sur son entourage un regard aussi pertinent ?

Juchée sur le perron de sa maison du quartier new-yorkais de Brooklyn, elle regarde passer les habitants de cette communauté un peu étouffante où tout le monde se connaît, où tout le monde s’épie, où un simple détail peut être mal interprété et ruiner une réputation, où une veuve qui, avant de se rendre à la messe, achète des pastilles à la menthe, peut être taxée d’alcoolique par la rumeur…

Alcoolique, le père de Marie l’est mais il a le whisky plutôt gai et affectueux et la mère, infatigable travailleuse, ne manque pas d’humour.

Ce couple paradoxalement peu religieux dans un milieu où le catholicisme gouverne les conduites a aussi engendré Gabe qui se destine à la prêtrise. Un engagement destiné à racheter son homosexualité plutôt mal vue dans ce milieu conservateur ?

Avec finesse, délicatesse et légèreté, dans une écriture maîtrisée, Alice McDermott raconte la vie d’une femme ordinaire qui, soudain, sort de sa condition de femme irlandaise mariée avec quatre enfants et devient exceptionnelle par sa perception sans jugement.

Foncièrement bonne, elle ne cherchera même pas à se venger de ce fiancé qui l’a lâchée pour épouser une femme mieux née et plus belle. Et elle aura toujours de la bienveillance et de la compassion pour ce frère mal dans sa vie qu’elle a placé sur un piédestal.

Bref, « Someone » est un joli livre qui, l’air de rien, en dit beaucoup sur les relations humaines.

EXTRAITS

  • Il finit sa bouteille en deux ou trois longues gorgées, porta la main à sa poitrine et rota discrètement, comme si nous étions déjà mariés, voire peut-être depuis longtemps.
  • Maintenant, j’étais accablée en songeant que le mystère sacré que représentait pour moi mon frère pût se faire chair, une chair ordinaire, incarnée dans l’idée qu’il était simplement un certain genre d’homme.

+ There are no comments

Add yours