Critique – Tattoo – Earl Thompson – Monsieur Toussaint Louverture

Critique – Tattoo – Earl Thompson – Monsieur Toussaint Louverture


Parmi les pépites éditées par Monsieur Toussaint Louverture figure l’œuvre d’Earl Thompson. Après « Un Jardin de sable », « Tattoo » est le deuxième opus de la trilogie autobiographique de l’auteur américain décédé en 1978.

À la veille de ses 15 ans, Jack vit à Wichita (Kansas) chez ses grands-parents après que sa mère a été déchue de ses droits parentaux.

Nous sommes en 1945.

Le garçon a une obsession : « tordre les couilles aux Japonouilles et casser les reins aux Fridolins ». Son enrôlement dans l’armée est le seul moyen, pense-t-il, de fuir « le quartier nègre » et le mobil-home minable qui lui tient lieu de maison afin de « devenir un jour quelqu’un ». À défaut d’intégrer les Marines en trichant sur son âge, il rejoint la Navy direction Okinawa au Japon. Peu de temps après, la guerre est terminée.

Alors qu’il aspire à s’échapper d’une existence misérable, sans repères et sans affection, sa nouvelle vie sera rythmée par les désillusions professionnelles et amoureuses.

Pour les gens de son acabit, le rêve américain n’est qu’un leurre. Pourtant, Jack est un jeune homme intelligent et sensible, un brin filou, détestant la bagarre, doué pour le dessin et amoureux des livres qui sont une ouverture sur le monde et une échappatoire à sa triste condition marquée du sceau de la pauvreté et de l’inceste commis par sa génitrice.

Confronté aux regards perplexes et souvent méprisants de ceux qu’ils rencontrent, il n’aura de cesse de s’interroger sur sa santé mentale, craignant de suivre les traces de sa mère. Pour toutes ces raisons, la peur est inhérente à sa personne.

Se plonger dans l’univers extrême et désespéré d’Earl Thompson est une expérience bouleversante où la violence et la crudité, le sexe et la mort se mêlent à la tendresse et à la douceur.

Malgré ses mensonges, ses colères, ses provocations et ses obsessions pour la gent féminine, on ressent de l’empathie pour ce garçon angoissé dont l’auteur fait un portrait doux-amer qui sonne juste tout en peignant l’Amérique de l’après-guerre dont la victoire donne lieu à une débauche de virilité dont les femmes seront les premières victimes.

EXTRAITS

  • Vanda se tapait des mecs comme elle mangeait du pop-corn.
  • Qui aurait été capable d’avouer à frère Dub qu’il avait tringlé sa mère ?
  • Il payait le prix fort de la gloire perdue.
  • Son vieux corps bouffi avait la pâleur du porc cuit à l’étuvée.
  • Et merde, quand est-ce qu’on se sent enfin en sécurité ?
  • Il avait toujours cette sensation d’intrusion, d’être un étranger dans ses propres murs.
  • La Californie était une vraie foire aux monstres.

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