
Critique – Finistère – Anne Berest – Albin Michel
Après
le très réussi « La Carte postale », Anne Berest
continue à creuser le sillon de ses origines.
Alors que le roman
qui reçut le prix Renaudot des lycéens s’attachait à la branche
maternelle, « Finistère » se penche sur le père et son
ascendance.
Loin du cosmopolitisme du récit publié en 2021 qui nous emmenait en Russie, en Pologne, en Lettonie, en Palestine, en France et en Allemagne, destination funeste, celui qui vient d’être édité présente une topographie limitée, six cents kilomètres séparant Brest de Paris.
C’est en effet en Bretagne, plus précisément à Saint-Pol-de-Léon, que tout commence avec Eugène Bérest, l’arrière-grand-père de l’autrice.
Pays de maraîchage, s’il en est, la fin de la terre est menacée dans son existence même par la décision des courtiers de changer les règles du commerce des pommes de terre en défaveur des agriculteurs.
Sous la houlette, entre autres, du fameux Eugène influencé par Le Sillon de Marc Sangnier qui promouvait la démocratie chrétienne, ces derniers se fédèrent en un syndicat et une coopérative baptisée « La Bretonne ».
De son union avec une Anglaise naquit un garçon qui porta son prénom.
Eugène II épousa Odile qui enfanta Pierre, le père d’Anne Berest qui apprend pendant l’écriture de « Finistère » qu’il est atteint par deux cancers.
Lui aussi fit des études brillantes se distinguant en mathématiques et menant une carrière de chercheur en mécanique analytique rationnelle. Il se maria avec Lélia Picabia, une intellectuelle linguiste engagée dans le mouvement féministe.
Ils étaient tellement accaparés par leurs métiers respectifs qu’ils laissèrent une grande liberté à leurs trois filles, tout en leur inculquant des valeurs d’humanisme et de liberté.
En compagnie d’Anne Berest, nous traversons donc plus d’un siècle d’histoire parisiano-bretonne avec ses moments marquants tels que les guerres mondiales et Mai 68.
Mais en voulant évoquer à la fois la grande histoire, qu’elle survole, et des destins particuliers, l’autrice a engendré un récit un peu bancal, assez plat et à la veine romanesque plutôt mince.
Peut-être parce que ses personnages manquent d’une incarnation forte, notamment Pierre qui est un mystère pour sa fille et qui le restera jusqu’à sa mort, hormis lorsqu’il se confiera sur sa jeunesse trotskyste.
Contrairement à ceux de « La Carte postale » qui tendent à l’universalité, ceux de « Finistère » se rappellent à leur bretonnitude austère et sauvage.
Comment en effet mettre en parallèle le parcours des Juifs d’Europe et celui des « ploucs » débarqués de la gare Montparnasse aussi méritants soient-ils sans que cela ne nuise aux derniers ?
Afin de ne pas être trop sévère avec ce tombeau littéraire pour le père que sa fille admirait tout en déplorant leur incommunicabilité, j’ai trouvé les dernières pages du livre très émouvantes.
Ma dureté est par ailleurs relative à ce qu’Anne Berest est capable d’offrir.
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