Critique – La Malédiction d’Edgar – Marc Dugain – Gallimard
Pour son quatrième roman publié en 2005, Marc Dugain invente des mémoires qu’aurait écrits Clyde Tolson, numéro deux du FBI et amant de John Edgar Hoover, numéro un du principal service fédéral de police.
Un émissaire dépêché par un producteur de film souhaite se les procurer pour « explorer une période de notre histoire où se côtoyaient la paranoïa, la schizophrénie, la misogynie, le racisme et l’antisémitisme à l’ombre de notre pudibonderie fondatrice ».
Le roman s’ouvre sur une scène qui donne le ton. Nous sommes en 1938 lorsque Joseph Kennedy croise Edgar et Clyde attablés dans un restaurant. L’Irlandais vient d’être nommé ambassadeur en Grande-Bretagne par Roosevelt.
Le patron du FBI possède un dossier bien épais sur le père de celui qui deviendra le 35e président des États-Unis. Cet indécrottable coureur de jupons, manipulateur, affabulateur, pro-nazi, opportuniste, boursicoteur initié ayant ruiné des millions d’épargnants, faisant affaire avec la mafia ne sera pas le seul à être épié par le bureau…
Ayant régné pendant près de cinquante ans sur la surveillance (seule sa mort mettra fin à son pouvoir) sous huit présidents des US, Hoover détient des informations recueillies par des procédés pas toujours légaux.
Obsédé par ce qui pourrait nuire à certains principes susceptibles de porter tort à son pays en bouleversant le statu quo, il s’attaque au communisme avec un zèle féroce.
A contrario, il est accusé de minimiser la puissance de la mafia dont il était un peu l’otage. Ce passionné de courses hippiques bénéficiait en effet de tuyaux de la pègre qui détenait une photo compromettante pour cet homosexuel refoulé et perpétuellement angoissé. Et il n’hésitait pas à fricoter avec les riches Texans qui avaient allégrement financé la campagne d’Eisenhower.
En mêlant personnages et événements réels et faits imaginés, Marc Dugain reconstruit l’histoire en proposant des scénarios tout à fait plausibles pour expliquer les assassinats de John Kennedy en 1963 et de son frère Bobby cinq ans plus tard, deux hommes qu’Hoover détestait.
Il fait surtout le portrait d’un sale type complètement paranoïaque, cynique, antisémite, homophobe, misogyne, aux pouvoirs discrétionnaires immenses qu’il s’était lui-même octroyés sans vraiment de résistance de la part de ceux qui étaient élus démocratiquement (enfin presque, car les magouilles électorales étaient légion) mais étaient plus ou moins ses captifs et le craignaient.
La démonstration est brillante et implacable.
EXTRAIT
– Ce type est en train de se statufier vivant juste parce qu’il tient une bonne partie de l’Amérique par les couilles.
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