Critique – Le Silence et la colère – Pierre Lemaitre – Calmann-Lévy

Critique – Le Silence et la colère – Pierre Lemaitre – Calmann-Lévy


« Un ogre de béton, une vilaine chute dans l’escalier, le Salon des arts ménagers, une grossesse problématique, la miraculée du Charleville-Paris, la propreté des Françaises, « Savons du  Levant, Savons des Gagnants », les lapins du laboratoire Delaveau, vingt mille francs de la main à la main, une affaire judiciaire relancée, la mort d’un village, le mystérieux professeur Keller, un boxeur amoureux, les nécessités du progrès, le chat Joseph, l’inexorable montée des eaux, une vendeuse aux yeux gris, la confession de l’ingénieur Destouches, un accident de voiture. Et trois histoires d’amour. »

Voilà résumé en quatrième de couverture les quelque six cents pages du deuxième volume de la saga que Pierre Lemaitre a choisi de consacrer aux Trente Glorieuses, années marquées par une forte croissance économique, un développement technique qui paraît illimité, une hausse du niveau de vie et les prémices de la société de consommation.

Pour incarner ces mutations, l’auteur a de nouveau convoqué les membres de la famille Pelletier qui s’apprêtent, en ce début 1952, à effectuer le « pèlerinage » à Beyrouth pour commémorer la fondation de la savonnerie par Louis, le patriarche, qui semble bien être le seul enchanté par cette cérémonie.

Les trois enfants du couple formé par Angèle et Louis habitent en effet à Paris. Jean, l’aîné, poursuit ses activités dans le commerce avec un projet de création d’un grand magasin à bas prix inspiré de l’aventure Tati.

Côté vie privée, le « pauvre » homme est plus que jamais harcelé par son odieuse épouse Geneviève et craint d’être arrêté après l’assassinat d’une actrice qu’il a commis quatre ans plus tôt (cf. « Le Grand Monde »).

François est toujours fait-diversier pour le « Journal du soir » mais il aspire à d’autres responsabilités. Ses relations avec l’énigmatique Nine sont au plus bas.

Quant à Hélène, simple pigiste dans le même quotidien que son frère, elle est enceinte. Chamboulée par son état, elle frôle la dépression. Son reportage sur la construction d’un barrage qui condamne un village à l’engloutissement la sortira-t-elle de l’abattement ?

Par le prisme du sociétal (l’avortement, toujours interdit, condamne les femmes au désespoir), du social (conditions de travail pénibles) et de l’économie (construction d’un barrage qui aura pour conséquence l’effacement de la mémoire des hommes), Pierre Lemaitre livre un portrait très documenté du début des années 1950 qui n’a rien d’idyllique.

Son roman, qui se lit d’une traite, peut s’appréhender en parallèle avec notre époque qui prône la sobriété et le respect de la nature.

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