Critique – Marx et la poupée – Maryam Madjidi – Le Nouvel Attila

Critique – Marx et la poupée – Maryam Madjidi – Le Nouvel Attila


Le joli titre fait référence à deux aspects de la vie de la narratrice : l’engagement communiste de ses parents et un symbole de l’enfance qu’elle a dû laisser dans son pays natal.

Tout commence alors que Maryam est dans le ventre de sa mère, « une folle irresponsable » comme elle l’appelle tendrement parce qu’elle glissait dans ses couches des documents émanant du parti d’opposition. Nous sommes en 1980 en Iran. Un an plus tôt, la République islamique a été instaurée. Les ennemis du régime sont muselés, envoyés en prison, voire plus.

Alors qu’elle n’a que 5 ans, la famille s’exile en France, une deuxième naissance pour la petite fille qui a pourtant bien du mal à s’intégrer. Elle fait des cauchemars, refuse de s’alimenter et d’apprendre le français.

Pastilles impressionnistes, tranches de vies intimistes, les histoires autobiographiques de Maryam Madjidi forment le récit d’un exil qui provoque souvent chez les proscrits une forme de schizophrénie, tiraillés qu’ils sont entre l’amour de la terre natale et de la famille qui y est restée et la volonté de devenir de véritables citoyens du pays d’accueil. D’autant plus que la méchanceté, l’intolérance et le racisme ordinaires ne les aident pas (lire le chapitre « Comment peut-on être français ? ») dans leur quête d’une identité.

Comme souvent, les réfugiés, tout au moins ceux qui en ont les moyens, ont la bougeotte, soulignant leur difficulté à s’enraciner. C’est le cas de Maryam qui a eu la chance de retourner en Iran et de retrouver sa grand-mère adorée, qui a vécu quatre ans en Chine, un an en Turquie, avant de se poser à Paris pour « contempler le monde » comme le lui a appris sa mère. Définitivement ?

Le bannissement est aussi synonyme de solitude dont Maryam est sortie par l’écriture dans une langue qu’elle s’est appropriée dont le résultat est ce joli premier roman à la fois tendre, violent, drôle et lyrique qui convoque, entre autres, le grand poète persan Khayyâm.

« Marx et la poupée », c’est aussi le portrait d’un Iran bourré de paradoxes où la jeunesse ruse pour vivre intensément malgré les interdits de la milice des bonnes mœurs et où les relations sont érotisées malgré ou grâce au tchador. Cette hypocrisie me rappelle les livres de Chahdortt Djavann, « Les putes voilées n’iront jamais au Paradis ! » ou encore de Négar Djavadi, « Désorientale ».

Un petit bémol m’a empêchée de décerner le « label » coup de cœur : un style un peu décousu et chaotique pas toujours facile à suivre mais qui résume bien la vie un peu folle de l’auteure.

EXTRAITS

  • Ange sans ailes, ma folle irresponsable, ma douce assassine ; à cet instant-là, tu as creusé un trou en moi dans lequel toutes les angoisses de ma vie future prendront racine.
  • Petite voleuse des bijoux de ton âme.
  • Je déterre les morts en écrivant.
  • Alors la petite fille aux grosses boucles noires imagine des dialogues avec des amis imaginaires. Elle invente des histoires. Des histoires qui consolent. Des histoires qui remplissent la bouche du réel.
  • Cette enfant nous tuera ! Après ses dessins terrifiants, ses crises de nerf la nuit, sa grève de la faim, maintenant elle refuse de parler. Mais que va-t-elle devenir ?
  • La seule chose que nous avons su préserver, c’est notre poésie et c’est la seule chose à sauver de l’Iran.

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