Critique – D’après une histoire vraie – Delphine de Vigan

Critique – D’après une histoire vraie – Delphine de Vigan


La narratrice sort de l’écriture et de la promotion de son dernier roman « Rien ne s’oppose à la nuit » sur la folie de sa mère et les secrets de famille. Elle semble épuisée par cette épreuve, incapable d’aligner ne serait-ce que trois mots sur l’écran de son ordinateur.

Jusqu’à ce qu’elle rencontre « L », une femme qui semble tout connaître de l’auteur. Elle l’encourage à reprendre le chemin de la création. Rapidement, la présence de cette femme surgie de nulle part envahit le quotidien de Delphine, lui apportant un soutien psychologique salvateur alors que ses jumeaux ont quitté l’appartement familial et que François (Busnel) est accaparé par son travail de critique littéraire. Même si « L », nègre de stars françaises, l’encourage à faire fi de la fiction pour s’adonner à la « vraie » littérature, celle qui retranscrit la réalité de la vie, rien ne vient. Cette démarche, l’auteur de « No et moi » la refuse, elle qui se plaît, comme elle l’a fait sur son anorexie ou sur la bipolarité de sa génitrice, à mélanger les deux.

Au-delà d’une histoire de manipulation (Delphine de Vigan revendique sa filiation avec Stephen King en plaçant en exergue des chapitres une citation empruntée à « Misery ») qui fait froid dans le dos, « D’après une histoire vraie » est aussi une réflexion sur la création littéraire et les frontières souvent ténues entre la fiction et la réalité.

L’écrivain nous manœuvre tellement bien que le lecteur va douter, au fur et à mesure que le suspense se développe, de la véracité de l’existence de « L » ! Du grand art que quelques longueurs m’ont empêchée de lui décerner les cinq étoiles du « coup de coeur ».

EXTRAITS

– Les histoires gisent dans le sol, comme des fossiles. Elles sont les reliques issues d’un monde préexistant. Et le travail de l’écrivain consiste à utiliser les outils de sa boîte pour les dégager avec précaution et les extraire, aussi intacts que possible.

– Car le livre n’est rien d’autres qu’une sorte de matériau à diffusion lente, radioactif, qui continue d’émettre, longtemps. Et nous finissons toujours par être considérés pour ce que nous sommes, des bombes humaines, dont le pouvoir est terrifiant car nul ne sait l’usage que nous en ferons.

– Je croyais que les gens avaient seulement besoin que les histoires les intéressent, les bouleversent, les passionnent. Mais je m’étais trompée. Les gens veulent que cela ait eu lieu, quelque part, que cela puisse se vérifier. Ils voulaient du vécu. Les gens voulaient pouvoir s’identifier, avoir de l’empathie, et pour cela, ils avaient besoin d’être rassurés sur la marchandise, exigeaient un minimum de traçabilité.

– Le réel était une vaste machination pilotée par un démiurge dont la puissance était inégalable.

– Il n’y a d’écriture que l’écriture de soi. Le reste ne compte pas.

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