Critique – Leurs enfants après eux – Nicolas Mathieu – Actes Sud

Critique – Leurs enfants après eux – Nicolas Mathieu – Actes Sud


Il fait chaud dans l’Est de la France en cet été 1992. Anthony, 14 ans, ne pense qu’à mater les filles sur la « plage des culs-nus » en compagnie de son cousin plus âgé. A son âge, on se moque de la fermeture des hauts fourneaux, du chômage du père et de son alcoolisme.

On ne pense qu’à jouir, à faire des bêtises pour tester ses limites, quitte à frôler la mort parce qu’on se sent invincible et à tomber amoureux d’une certaine Stéphanie, une fille peu farouche issue d’une famille bourgeoise.

Pour épater la galerie, il « emprunte » la moto de son père et se la fait voler par Hacine. Cet événement, déclencheur de violences, de rancoeurs et de vengeance, est l’un des fils rouges du récit qui se déroule pendant quatre étés, de 1992 à 1998.

Dans un style fulgurant, parfois très cru, au plus proche des personnages, Nicolas Mathieu empoigne avec puissance les thèmes de la disparition du monde ouvrier, du chômage comme seul horizon, de la violence physique des pères qui ont perdu toute autorité « naturelle » sur la famille, des territoires abandonnés et sans avenir, du mal-être des adolescents, du football comme opium du peuple.

Seuls les plus jeunes, animés par une fureur de vivre, semblent vivants. Mais leur énergie est stérile. L’égalité des chances n’est qu’un leurre et la reproduction sociale fonctionne à plein. Malgré leurs rêves de départ, les moins bien lotis resteront ou, s’ils partent, ils reviennent comme aspirés par ce bout de terre qui ne veut pas laisser ses enfants parcourir le monde ; les « héritiers » quitteront la région pour faire de brillantes études.

Le tableau est bien (trop) sombre pour qu’il sonne totalement juste. Même chez les pauvres, les incultes, il y a une joie de vivre que l’auteur oublie dans un délire idéologique un brin borné, manquant de nuances, redondant et parfois pesant. Heureusement, la puissance de l’écriture contrebalance le parti pris un peu tranché.

EXTRAITS

  • Dans cette ville moitié morte, étrangement branlée, construite dans une côte et sous un pont, Anthony filait tout schuss, pris de frissons, jeune à crever.
  • La silicose et le coup de grisou ne faisaient plus partie des risques du métier. On mourait maintenant à feu doux, d’humiliation, de servitudes minuscules, d’être mesquinement surveillé à chaque stade de sa journée ; et de l’amiante aussi.
  • Tout devenait cher une fois qu’il fallait gagner son fric honnêtement.

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