Critique – L’autre moitié de soi – Brit Bennett – Autrement

Critique – L’autre moitié de soi – Brit Bennett – Autrement


Qu’est-ce qu’être noir ? Est-ce le regard des autres qui vous fait vous sentir noir ? Est-ce un état de fait, un choix délibéré ?

En racontant, sur trois générations, l’histoire de personnages doublement pénalisés parce que métisses et femmes, Brit Bennett défait l’opposition simpliste entre Noirs et Blancs.

Au début des années 1950, Desiree Vignes enjoint sa jumelle Stella de quitter Mallard. Elles ont seize ans et s’installent à La Nouvelle-Orléans. Un an après, elles se séparent. Quinze ans plus tard, Desiree est de retour dans sa ville natale. Flanquée de Jude, sa fille au teint sombre issue de son mariage avec « l’homme le plus noir qu’elle avait pu trouver » et qui la battait, elle habite chez Adele, sa mère.

Mallard est « une de ces villes qui sont une idée avant d’être un lieu ». Ce bourg imaginaire a été créé en 1848 par Alphonse Decuir, un esclave affranchi à la peau claire. Les générations suivantes, à la carnation quasi immaculée, devinrent des Nègres « se rapprochant de la perfection ». Ce qui n’empêchera pas les Blancs de les considérer comme Noirs. Sauf ceux qui quittent Mallard et qui en ont assez de volonté d’endosser le rôle du Blanc comme le fit Stella. Mais peut-on faire table rase de son passé, de sa filiation, de ce qui fait ce que l’on est ? Peut-on jouer toute sa vie la comédie sans se sentir une usurpatrice et une traître à ses origines ? Voilà les questions que pose Brit Bennett qui s’interroge aussi, via un personnage transsexuel, sur le genre. La réponse est que nous ne nous réduisons pas à notre couleur de peau ni à notre sexe. L’identité, si complexe, se construit à partir de l’héritage familial, des influences, des rencontres, des hasards mais aussi des choix. Elle n’est pas un bloc figé mais évolue au fil du temps.

Si cette problématique, incarnée par des personnages forts, est finement et intelligemment posée, j’aurais aimé que la psychologie des protagonistes ainsi que les raisons de leurs décisions soient davantage fouillées et que le récit soit moins elliptique.

Ces bémols posés, la lecture de « L’autre moitié de soi » est vraiment prenante.

EXTRAIT

– Pour être blanc, il suffisait donc de se conduire comme si on l’était ?

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