Critique – Les fureurs invisibles du cœur – John Boyne – JC Lattès

Critique – Les fureurs invisibles du cœur – John Boyne – JC Lattès


Dédié à John Irving, « Les fureurs invisibles du coeur » met en scène sur soixante-dix ans un héros aussi attachant que Garp.

Cyril est né en 1945 d’un amour impossible entre Catherine Goggin, 16 ans, et un homme marié. En Irlande, on ne plaisante pas avec les relations sexuelles hors des liens sacrés de l’hymen. Répudiée par le père Monroe devant l’assemblée des fidéles et sa propre famille, la jeune fille se réfugie à Dublin. Sans le sou, elle confie son bébé à « une nonne rédemptoriste bossue » qui le propose à l’adoption à un couple riche, fantasque, libre et délicieusement snob. Auprès de Charles et Maude, Cyril (ce prénom lui a été donné par ce qu’il était celui d’un épagneul qu’ils avaient beaucoup aimé !) reçoit peu d’affection mais il mûrit plus vite que ses camarades. Normal quand on est abreuvé de détails sur la vie sexuelle du paterfamilias ou que sa daronne, auteure de talent, imagine une histoire dans laquelle une femme, qui détestait tellement son mari, allait se soulager sur sa tombe !

C’est dans la propriété familiale, alors qu’il n’a que 7 ans, qu’il rencontre le charismatique Julian, le fils de l’avocat de son véreux de père. A son contact, il découvre peu à peu son attirance pour les garçons. Une honte dans un pays vampirisé par la religion catholique (rappelons que les actes sexuels entre hommes ne furent décriminalisés qu’en 1993 !). Nous allons suivre Cyril dans sa quête d’affirmation de son identité et dans sa recherche du bonheur. Un véritable parcours du combattant semé d’embûches mais aussi de moments de grâce comme sa relation avec Bastiaan, alors qu’il a fui aux Pays-Bas, et ses rencontres avec sa mère alors qu’il ignore qu’elle l’est.

Avec un souffle romanesque que ne renierait pas Irving, des personnages formidables, des dialogues jubilatoires et une bonne dose d’humour, John Boyne à élaboré une histoire émouvante et sensible qui, via son personnage principal si attachant, souligne le dur combat des homosexuels pour obtenir une reconnaissance. Mais la bataille est-elle terminée quand on constate la persistance de certains comportements homophobes ? Et les Irlandais, qui en prennent pour leur grade, ne sont malheureusement pas les seuls à rejeter la différence !

EXTRAITS

  • Ils m’avaient appelé Cyril en souvenir d’un épagneul qu’ils avaient eu autrefois et qu’ils avaient beaucoup aimé.
  • J’adore les filles, même si elles sont folles et mentalement déséquilibrées…
  • Elle est assez charmante dans son manque de raffinement.
  • Je serais normal, même si ça devait me tuer.
  • Pour une fois, j’étais heureux de vivre en Irlande, un pays où un homosexuel, comme un séminariste, pouvait facilement cacher ses préférences en arborant l’habit sombre d’un fervent catholique.
  • Je sais tout de votre pays. (…) J’ai lu sur l’Irlande. (…) On dirait que c’est arriéré. Un peuple qui n’a d’empathie pour personne. Pourquoi laissez-vous vos curés décider de tout à votre place ?
  • Je n’ai jamais aimé les Irlandais. (…) Une race de dégénérés. Personne ne parle de sexe et pourtant, ils ne pensent qu’à ça.
  • Je peux être exactement ce que je veux, maitenant que je ne suis plus dans ce pays.
  • Les femmes sont toujours les putains ; les prêtres, des hommes bons qui ont été détournés du bon chemin.

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