Critique – La Troisième main – Arthur Dreyfus – P.O.L.
De tous les livres lus de la rentrée littéraire, « La Troisième main » est certainement l’un des plus insolites.
Victime collatérale du premier conflit mondial, Paul Marchand, quinze ans et l’abdomen transpercé par une balle, se voit greffer une troisième main, ou plutôt un bras, par un médecin fou.
Située au niveau du ventre, elle « appartient » à Hans, un soldat allemand, qui entend bien, grâce à cette « bouture » humaine poursuivre son existence interrompue trop tôt.
Pour sauver son hôte et peut-être aussi pour se venger de sa nouvelle condition et de son passé d’enfant martyrisé, l’appendice tue le démiurge qui le tenait prisonnier.
Devenu assassin par procuration, Paul est obligé de fuir. De l’Allemagne à Paris en passant par la Belgique, il fera des rencontres, surtout féminines, et exercera divers métiers pour lesquels son prolongement lui sera bien utile.
Mais les avantages peuvent se transformer en inconvénients. Conscient que son complément incongru peut choquer par son obscénité, même si certaines âmes éprouvent une fascination sordide à sa vue, Paul, devenu entre-temps Charles Martin, s’acharne à le cacher et à refréner ses velléités d’indépendance, son agressivité, son appétit sexuel et, parfois, sa tendresse envers celui qui l’héberge.
À force de lutter contre cet occupant qui l’a transformé en monstre et qui fait de sa vie un enfer, il s’épuise et frôle la folie.
Si son écriture est parfois artificiellement désuète avec moult emplois de l’imparfait du subjonctif et l’utilisation excessive de trucs stylistiques – stop, pause, arrêt – qui n’apportent rien à la narration, Arthur Dreyfus a composé un roman très réussi, au rythme endiablé, à la fois picaresque et fantastique.
Une belle découverte qui, sous des dehors de farce grotesque, nous parle de l’altérité et de l’acceptation de l’autre.
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