Critique – Pleine terre – Corinne Royer – Actes Sud

Critique – Pleine terre – Corinne Royer – Actes Sud


Inspiré d’un fait divers (l’assassinat en mai 2017 de Jérôme Laronze par un gendarme), « Pleine terre » retrace les neuf jours de cavale libératrice et primitive, jusqu’à l’issue fatale, de Jacques Bonhomme, un agriculteur de 36 ans en délicatesse avec l’administration et pourchassé par les gendarmes.

Parallèlement au récit de la chute d’un homme, des voix – la mère d’un ami, un voisin, une sœur, un contrôleur – s’élèvent pour raconter celui qu’il était : une personne travailleuse et amoureuse de la littérature (eh oui, n’en déplaise à certains, il y a des agriculteurs qui lisent !) dont le rire d’ogre ravissait ses proches.

Chez les Bonhomme, on est paysan de père en fils. Alors, malgré quelques envies d’ailleurs, Jacques a suivi les traces de son géniteur : il est devenu éleveur, tendance bio, à l’ancienne.

Porte-parole départemental de la Confédération paysanne, il s’élève contre le productivisme et ses conséquences : l’appauvrissement des sols, la maltraitance et la souffrance animales, la multiplication des normes et des charges administratives, parfois absurdes, destinées à plaire aux industriels et à rassurer le consommateur, l’assistanat de ceux qui nourrissent la population, la perte de sens d’un métier qui devrait être le plus beau du monde à l’heure où le suicide emporte chaque jour un exploitant, le plus souvent parce qu’il est harcelé par un système aberrant incarné par des fonctionnaires zélés et insensibles

Lyrique dans son évocation de la nature et touchant par son humanité, « Pleine terre », en dessinant le portrait d’un homme en colère qui a dit non, nous confronte à notre responsabilité de citoyen de nous opposer à un modèle délétère.

EXTRAITS

  • Ceux qui décident, les fesses bien calées dans leur fauteuil, si on a le droit de vivre ou si on doit crever.
  • Il était habité de la séculaire volonté de ne plus subir qu’il avait découverte sous la plume de Barrès : cette impérieuse bouffée de protestation qui conduit les hommes humiliés à la révolte.
  • Une vie comme un théâtre où l’on gesticule à l’étroit sur une scène semée d’esquilles alors qu’on avait entrepris de jouer pieds nus sous les étoiles.

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