Critique – La femme révélée – Gaëlle Nohant – Grasset

Critique – La femme révélée – Gaëlle Nohant – Grasset


« La quête de liberté de l’exilé volontaire est inséparable de sa nostalgie de la terre natale. Plus ou moins enfoui dans l’inconscient, cet écartèlement dure toute la vie ». Cet extrait de « A Girl in Paris » de Shusha Guppy placé en exergue résume bien le ton de « La femme révélée ».

Menacée par son mari, Eliza Donnelley, devenue Violet Lee, s’enfuit à Paris. Elle quitte Chicago, un confort de vie et, surtout, un petit garçon qu’elle se promet de revoir. Un jour… Cette passionnée de photographie a emporté son Rolleiflex qui lui apportera son indépendance. Le contraste entre la capitale de la France et la tentaculaire ville de l’Illinois la saisit. « Ici, le passé se fait obsédant. (…) A Chicago, s’est l’inverse, on ne courtise que le futur. (…) On se hâte de détruire pour reconstruire de nouveaux symboles de fierté et de puissance, toujours plus hauts, plus arrogants ».

Nous sommes en 1950. D’abord résidente, à son insu, d’un hôtel de passe où elle se fait une amie, elle fréquente les caves de Saint-Germain-des-Prés où les Parisiens, avides de liberté et de légèreté, découvrent le jazz. Elle rencontre Sam avec laquelle elle va vivre une histoire d’amour. Comme elle, cet Américain a beaucoup de secrets…

Comme attendu, vingt ans plus tard, Eliza-Violet est de retour au pays avec une obsession : retrouver son fils. Nous sommes en 1968 et Chicago est l’épicentre d’émeutes et de manifestations violemment étouffées par la police que l’héroïne va immortaliser. Les factieux se mobilisent contre la ségrégation qui touche les Afro-Américains et la guerre du Vietnam. Les descriptions des événements m’ont rappelé le magnifique « Les fantômes du vieux pays » de Nathan Hill (2017). C’est cette seconde partie que j’ai préférée, la première faisant trop la part belle aux lieux communs sur le Paris des années 1950.

Globalement, ce roman m’a laissé une impression mitigée. L’écriture est inégale : de l’eau de rose pour les scènes d’amour et des fulgurances poétiques pour dépeindre par exemple l’art photographique (« Les photos révèlent la beauté cachée » ; « Comment lui faire comprendre que la beauté dépasse l’esthétique ? Pour moi, elle est l’émotion qui naît d’une parcelle de vérité éphémère. »). Est-ce parce que l’héroïne a honte de se regarder en face qu’elle sait si bien capter les laissés-pour-compte auxquels elle donne une dignité que la vie leur refuse ?Justement, Violet, écartelée entre d’une part son instinct de survie et son aspiration à la liberté et d’autre part sa culpabilité d’avoir abandonné son fils, m’a peu émue. Elle passe son temps à se plaindre, à se flageller, à avoir peur, à se lamenter sur sa lâcheté… Elle m’a davantage touchée dans la deuxième partie où elle s’engage politiquement dans la lignée de son père. Son appareil photo devient une arme de lutte pour la paix et l’égalité entre les hommes.

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