Critique – La Faute – Alessandro Piperno – Liana Levi

Critique – La Faute – Alessandro Piperno – Liana Levi


En fin connaisseur de Marcel Proust auquel il a consacré deux essais, Alessandro Piperno est certainement habité par le style de son illustre prédécesseur.

Usant de longues phrases métaphoriques et sondant les états d’âme du personnage principal dans toute leur complexité, l’Italien marche en effet dans les pas de son maître.

Dans son dernier roman, le narrateur, désormais quinquagénaire, se retourne sur le parcours qui l’a mené de l’enfance à l’âge adulte. Celui qui n’a ni prénom ni nom, sauf celui qu’il prendra au mitan du récit, grandit dans une famille dysfonctionnelle. Fils unique, il observe son père, un brave type incapable de mener à bien ses projets professionnels mais que son rejeton adore pour sa bonne humeur, et sa mère, une femme secrète et énigmatique. Il assiste aussi aux scènes de ménage interminables entre ses parents dont la cause est l’accumulation des dettes. Pour le narrateur l’argent restera toujours associé à la honte originelle du manque.

Le voile va se lever en partie sur les origines juives de la mère lors d’un Seder de Pessah d’anthologie. Quittant les quartiers modestes de l’Est de la capitale italienne, le couple flanqué de l’enfant débarque dans un appartement cossu où se trouve une ribambelle de gens. Parmi elles, le flamboyant oncle Gianni qui comptera beaucoup pour l’adolescent après un événement dramatique qui fera du narrateur une espèce de traître, de menteur et d’imposteur, s’inventant une autre existence que celle qu’il a connue jusqu’alors pour oublier sa courte vie bien morne et se donner une nouvelle identité, fasciné qu’il est par les mirages de la grande bourgeoisie juive romaine.

Comme dans « La Recherche » de Proust, Alessandro Piperno raconte le parcours d’un enfant qui devient écrivain et qui nourrit son œuvre de son vécu en se transformant en personnage de roman pour toucher du doigt la vérité sur lui-même.

Portrait tout en finesse psychologique, « La Faute » est un récit intelligent, souvent drôle mais d’un humour désespéré, qui souligne combien les familles sont « des repaires de duplicités éternelles » impossibles à escamoter.

 

EXTRAITS

  • Je découvrirais qu’en matière de lâcheté sentimentale, déguisée en réserve et en ironie, j’étais imbattable.
  • Rien ne donnait autant de lustre à un pedigree juif que deux grands-parents trucidés par les nazis.
  • La fiction m’offrait la possibilité inespérée sinon de dire la vérité à tout prix du moins de cesser de ne pas la dire.

 

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