Critique – Hudson River – Joyce Carol Oates – Stock

Critique – Hudson River – Joyce Carol Oates – Stock


Lorsque Adam Berendt décède accidentellement en sauvant une petite fille de la noyade, les habitants, surtout les femmes, de Salthill-on-Hudson, banlieue chic de New York « réservée » aux Blancs, sont bouleversés.

Pourquoi sont-ils ébranlés par la mort de ce sculpteur amateur vivant de ses rentes ? Ce n’est sûrement pas le physique massif du quinquagénaire borgne. C’est son charisme, son mystère, sa mélancolie, son statut de célibataire, son humilité singulière chez un mâle, sa chasteté et sa philosophie de la vie enrichie par la lecture de Socrate qui affolent le sexe dit faible et rendent jaloux les hommes qui sont les maris des amoureuses devenues des veuves éplorées.

Via un narrateur omniscient qui connaît tout des états d’âme des protagonistes, Joyce Carol Oates, avec sa finesse d’analyse et son art de la digression, déroule une galerie de portraits qui va de Marina, une libraire solitaire et amie « en titre » qui hérite d’une maison propriété du défunt, à Camille, collectionneuse compulsive de chiens après le départ de son mari, l’affligeant Lionel, en passant par Abigail, la mère divorcée rejetée par son ado de fils, et la plantureuse Augusta. Même si les femmes sont au centre du roman, les hommes ne sont pas oubliés et leur lâcheté non plus. Même si certains cherchent la rédemption à tout prix…

Au fil de la lecture, on découvre que Adam cachait de nombreux secrets…

Au-delà de la plongée, sans concession, parfois cruelle mais tellement juste, dans l’intimité de ses personnages, l’auteur de « Blonde » décrit avec minutie la vie d’une communauté aisée, sorte de huis clos dans lequel les hommes sont des fantômes, souvent lâches et volages, qui travaillent à New York la semaine abandonnant leurs épouses désoeuvrées et esseulées qui trouvent en Adam une raison de vivre. Ce n’est en effet ni chez leurs maris ni chez leurs enfants, forcément odieux et égoïstes, qu’elles vont un quelconque réconfort !

« Hudson River » est un roman dérangeant stigmatisant la comédie sociale avec ses faux-semblants, son hypocrisie et ses mensonges qui donnent à notre entourage une image tronquée de nous-mêmes. Il dresse aussi le constat de la fragilité du couple après des années d’union. Avec son sens des nuances, son goût pour la psychologie voire la psychanalyse, Joyce Carol Oates dépeint une nature humaine complexe et ambivalente empêtrée dans ses contradictions et ses désillusions et ébranlée dans ses certitudes.

Adam, avec ses multiples identités alors qu’il émane de lui une sorte de force tranquille, est l’incarnation parfaite de cette ambiguïté. Et sa disparition fait exploser les névroses de toutes celles et ceux qui l’ont connu. Un comble pour un homme qui pensait, comme Socrate, que ses contemporains étaient rationnels !

EXTRAIT

Elle ne s’était jamais vraiment rendu compte combien il pouvait être pesant, ou de feindre d’être heureux.

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