Critique – Ma vie de cafard – Joyce Carol Oates – Philippe Rey

Critique – Ma vie de cafard – Joyce Carol Oates – Philippe Rey


A quoi sert une famille sinon à protéger ? Mais chez les Kerrigan, Irlandais d’origine et bons catholiques comme il se doit, la honte l’emporte sur toute autre considération. Et c’est Violet Rue, 12 ans, qui en sera la victime.

Nous sommes au tout début des années 1990 à South Niagara dans l’Ontario. La cadette d’une fratrie de sept enfants et la préférée de son papa, un homme autoritaire, misogyne et alcoolique mais qu’elle admire autant qu’elle le craint, vit une enfance insouciante. Jusqu’au jour où elle surprend une conversation entre deux de ses frères coupables de l’agression d’un jeune Afro-Américain qui décédera quelques jours plus tard. Détentrice d’un secret qu’elle partage avec ses aînés, elle rompt son serment. Par peur ? Par souci de justice ? Un peu des deux et toute sa jeune existence elle sera hantée par l’angoisse, la culpabilité et par le besoin de réparer le crime de ses frères.

Pour avoir dénoncé ces derniers, le vilain cafard sera en effet exilé et offert aux prédateurs les plus tordus. Martyre se sentant coupable, orpheline de force, Violet n’aura de cesse de retrouver sa famille et se faire pardonner son soi-disant péché.

Avec une grande acuité psychologique, Joyce Carol Oates dessine, via son personnage principal, le portrait d’une Amérique misogyne et hypocrite qui sacrifie une enfant pour protéger ses mâles dominants et qui considère que la vie d’un Noir n’a que peu d’importance.

« Ma vie de cafard » est un roman glaçant et cruel qui nous prend aux tripes confrontés que nous sommes à la souffrance de Violet qui trouvera peut-être dans l’oubli et la révolte l’estime de soi et la liberté que la société lui a refusées.

EXTRAITS

  • Il n’y a pas de « filles bien », juste différentes espèces de truies.
  • Vous abandonnez toute fierté quand vous voulez être aimé.
  • L’amnésie est le grand baume de la vie.
  • Une famille ressemble à un arbre. Il peut être gravement atteint, en train de mourir et de pourrir, ses racines restent inextricablement enchevêtrées.

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