Critique – Où vivaient les gens heureux – Joyce Maynard – Philippe Rey

Critique – Où vivaient les gens heureux – Joyce Maynard – Philippe Rey


Le dernier roman de la talentueuse Joyce Maynard s’ouvre sur un mariage. Venue de Boston, Eleanor est de retour dans la ferme où elle a vécu tant d’années et qui est désormais celle de Cam, son ex-mari, pour assister à l’union d’Alison, devenue Al par la magie de la chirurgie, avec Teresa.

Elle se souvient de sa vie passée à s’occuper sans relâche de ses trois enfants, pas toujours conscients de ses sacrifices (sauf Toby, l’enfant que d’autres qu’elle qualifieraient d’anormal alors qu’il est une espèce de miracle), comme pour exorciser la solitude de sa propre jeunesse et l’indifférence de ses parents qui la voyaient comme une intruse, à exercer jusqu’à l’épuisement son métier de dessinatrice pour subvenir aux besoins de sa famille, à aimer son compagnon, à subir l’inconséquence, l’irresponsabilité et l’infidélité de celui-ci…

Dans cet ample récit, l’autrice reconstitue, par petites touches impressionnistes et avec une grande acuité psychologique, le destin d’une femme dans lequel le lecteur pourra se retrouver car, tout un chacun, comme l’héroïne, mène une existence faite de chagrins, de désamour, d’abnégation, de blessures, de reproches, de trahisons, de désillusions, de frustrations, de doutes, de non-dits, de mensonges, de rancoeurs, d’incompréhensions, de colères, de regrets mais aussi de petits et, parfois, d’immenses bonheurs.

Avec ce bouleversant portrait de femme à la fois forte et fragile, « Où vivaient les gens heureux » nous raconte la vie comme elle va. Tout simplement et avec une grande justesse.

EXTRAITS

  • Comment se peut-il que la personne avec qui on a partagé les moments les plus intimes […] devienne un étranger ?
  • Ce lieu ressemblait à une maison où vivaient des gens qui s’aimaient.
  • Quelque part au cours du processus qui l’avait amenée à être mère, elle avait perdu une partie d’elle-même.
  • C’était son œuvre d’art. Cette famille.
  • Quand on avait un enfant, on n’était plus jamais en sécurité.
  • C’est cela mon action radicale. [ …] Élever trois êtres humains qui changeront le monde.
  • Elle avait peut-être été une mauvaise mère, sans même le savoir.
  • Un amour trop grand pour ses enfants avait peut-être provoqué leur désamour.
  • Je suis possédée par les enfants.
  • Eleanor se dit que, parfois, il valait peut-être mieux ne pas se souvenir.
  • Qui étaient ces personnes qu’elle avait mises au monde ?
  • Chacun ne possède sans doute qu’une certaine quantité d’attachement farouche et passionné à offrir au cours d’une vie et Eleanor l’avait déjà dépensée.
  • Une mère ne pouvait pas plus protéger ses enfants du chagrin et de la tristesse qu’elle ne pouvait empêcher le soleil de se coucher ou de se lever le lendemain.
  • Rien n’est immuable. Si la vie m’a appris quelque chose, c’est cela.
  • Finalement, on survit à beaucoup de choses. On est transformé. Mais on continue.

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